La symbolique de la babouche dans le monde oriental

La symbolique de la babouche dans le monde oriental

par Salima Bachar

On croit connaître la babouche. Ce mot glissé dans notre langue comme une épice douce. Mais derrière son cuir souple, elle en a vu passer, des siècles… et des pieds. Elle en dit long, sans hausser le ton. Et quand on gratte un peu sous la semelle, ce sont des pans entiers d’histoire et de culture qui remontent. Comme une odeur chaude de cuir, de poussière d’argan et de souvenirs tissés main.

D’où vient le mot “babouche” ?

Petite parenthèse étymologique (mais vraiment savoureuse) : le terme « babouche » vient du turc pāpuš. Lui-même issu du persan پاپوش (pāpuš). “Pā”, ça veut dire pied. “Puš”, c’est couvrir. Voilà, tout est dit. La babouche, c’est littéralement ce qui couvre le pied. Simple. Essentiel. Une définition qui claque presque comme un haïku.

Tiens, ce qui est curieux : en France, au XVIe siècle, on disait papouch, ou même babuc. On dirait des mots inventés par un enfant. Et pourtant, ils sont bien réels. Ils ont voyagé. Changé de forme. De sonorité. Mais ils ont gardé la même intention : habiller sans contraindre.

Une apparition discrète... mais puissante

La babouche remonte au IIIe siècle après J.-C.. Oui, rien que ça. Portée d’abord par les femmes, dans une société où même le bout du pied devait rester caché. Ce détail, il dit tout. Il parle de pudeur. De symbolique du corps. De territoires féminins soigneusement dissimulés. Ensuite, elle est adoptée par les hommes. Elle entre dans les médinas, dans les maisons, dans les habitudes.

Et cette apparition ancienne, elle ne fait pas de bruit. Pas de talon, pas de cliquetis. Une babouche, ça glisse. Ça s’efface presque. Mais elle laisse des traces dans l’imaginaire.

Babouche ou balgha ? Charbil ou besmaq ? Les mille noms d’un même souffle

C’est fou comme un objet peut porter plusieurs identités selon les langues, les régions, les époques. En arabe, on la retrouve sous les noms balgha ou charbil. Et puis il y a ses cousines : besmaq, rihya, kontra. Chacune avec ses petites nuances. Un peu comme les pâtisseries orientales : mêmes ingrédients, mais un pli différent, une cuisson unique.

Au Maroc, en Algérie, en Tunisie, en Syrie, la babouche s’adapte. Se module. Mais reste fidèle à elle-même. Plate, légère, souple. Une compagne de pas, pas une déclaration de style.

Enfin… pas toujours.

Et côté design, ça ressemble à quoi exactement ?

Là encore, c’est tout un monde.

Les babouches des Bédouins ? Simples. Une fine semelle, pas de talon, parfois des oreilles pour les attacher — un petit clin d’œil à nos souliers d’enfance. Elles sont conçues pour tenir, pour affronter les cailloux du désert, pour se faufiler entre deux dunes sans jamais blesser le pied.

Celles des citadins, elles, c’est une autre ambiance. Sans quartier, ni oreille, ni attache. Elles glissent comme un chat sur du carrelage frais. Plus raffinées, plus apprêtées. Elles ont quitté le sable pour les salons.

Et en France, au XVIIe siècle ? On la retrouve dans les boudoirs. Pantoufle plate, fine, parfois brodée de perles. Oui, de perles. C’est dire à quel point elle a su traverser les codes.

Pourquoi la babouche revient sur le devant de la scène ?

Ce qui est troublant, c’est ce retour. En 2016, boom : la babouche refait surface. Dans les vitrines. Sur les catwalks. Chez les créateurs pointus. Elle devient tendance. Avec son bout pointu, ses couleurs vibrantes, elle claque à nouveau.

Et pourtant, elle n’a rien changé. Ou si peu. Elle a juste appris à parler la langue de la mode contemporaine, tout en gardant son accent ancestral. C’est un peu comme ces vieilles chansons qu’on remixe mais qu’on reconnaît dès les premières notes.

Est-ce que la babouche a une valeur spirituelle ?

Oui. Mille fois oui.

Elle touche le sol. Ce détail est tout sauf anodin. Dans beaucoup de cultures, le sol est sacré. Il est mémoire, lien, matière vivante. La babouche fait le lien entre notre monde et ce qui nous dépasse.

Et puis, il y a le fait de se déchausser en entrant. Dans une maison. Un temple. Une mosquée. Ce n’est pas juste une habitude. C’est un rituel. On laisse dehors la poussière, les pensées agitées, les tensions. Et la babouche, elle attend là, posée. Fidèle.

Elle garde la porte ouverte entre le visible et l’invisible.

Une babouche dans un rêve, ça veut dire quoi ?

Question qui gratte un peu, non ? On rêve de chaussures parfois. De marcher pieds nus. De courir sans avancer.

Si une babouche s’invite dans le rêve, c’est souvent qu’un message cherche à passer. Besoin de ralentir ? D’être plus en lien avec son intérieur ? Avec ses racines ?

Elle peut aussi symboliser la transmission. Le foyer. Le féminin. La sagesse du pas lent, celui qui écoute la terre avant de la fouler.

Et si elle est perdue dans le rêve ? Là… c’est peut-être qu’on a perdu un repère. Un ancrage. Un chemin familier.

À propos de Salima Bachar

Salima Bachar est autrice pour La Maison des Sultans. Elle écrit avec la mémoire du sable, la douceur des rituels anciens et la richesse des secrets glissés entre les fêtes lumineuses et les rêves qui veillent. Beauté, bien-être, maison, voyages… Ses textes célèbrent les gestes discrets, les traditions vivantes et les symboles qui traversent le temps. Entre matières naturelles et récits sensibles, sa plume relie l’intime à l’universel, avec une voix sensorielle et profonde.

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Salima répond toujours : contact@lamaisondessultans.com

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