Où trouver du beau cuir au Maghreb et au Moyen-Orient?
par Salima Bachar
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Il y a des odeurs qui restent. Celle du cuir, quand il est brut, encore gorgé de soleil, de sueur, de pigments… ça colle à la peau, ça titille le nez, ça s’imprime. C’est fort. Et c’est exactement ce qu’on ressent quand on flâne entre les murs brûlants des médinas du Maghreb ou au détour d’un souk moyen-oriental. Ici, pas de cuir qui sent le plastique neuf. Non, ici le cuir a du vécu, de l’épaisseur, parfois même un sale caractère. Mais où aller pour trouver ce cuir-là ? Le vrai. Le dense. Le solide. Pas celui qui brille trop, qui s’écaille après un an, qui craque au pli comme un biscuit sec. Non, on parle ici de cuir qui sent la terre, le temps et les mains calleuses.
À Fès, les tanneries parlent
Impossible d’évoquer le cuir au Maghreb sans commencer par Fès, au Maroc. La médina y abrite la tannerie Chouara, un joyau vivant du Moyen Âge. Quand on y pénètre, ce n’est pas le décor qui frappe en premier… c’est l’odeur. Elle saisit, puissante, presque animale. Les bassins en terre cuite dessinent une mosaïque étrange : des cercles remplis de liquides ocre, rouge sang, vert pistache, jaune safran. C’est là que les peaux, de vache, de chèvre ou de chameau, sont trempées, tournées, battues. Le cuir qui en sort ? Il est rude au début, mais il s’assouplit. Et surtout, il tient. Dans les échoppes alentours, on vous proposera sacs, poufs, vestes, ceintures. Prenez le temps. Touchez. Pliez. Demandez d’où ça vient. Et fuyez les pièces qui sentent le vernis ou brillent comme des chaussures de clown. Le cuir marocain ne ment jamais… si on l’écoute.
Marrakech charme, mais il faut savoir trier
Plus au sud, à Marrakech, le cuir joue une autre carte. Moins brute, plus séductrice. Le souk est une forêt de sacs suspendus, de babouches en pluie, de portefeuilles qui débordent des étals. C’est un peu trop parfois. Trop de choix, trop de cris, trop de “viens voir, c’est pour toi”. Mais si on se concentre, on trouve de vraies merveilles. Des sacs en cuir de dromadaire, souples comme une vieille peau de tambour, aux coutures tressées à la main. Des babouches qui sentent le clou de girofle et le cuir chaud. L’astuce ? Regarder les coutures, toujours. Si elles sont serrées, régulières, cousues à la main : bingo. Sinon, passez votre chemin. Et surtout : négociez. C’est presque une danse, parfois un bras de fer, mais ça fait partie du cuir aussi.
Tunis, discrète mais sérieuse
La Tunisie, c’est un peu le cousin calme du Maroc. Moins de folklore, mais beaucoup de sérieux. À Tunis, les ateliers se cachent dans des ruelles, derrière des portes en bois peint. On y travaille souvent pour des marques étrangères, dans des conditions bien plus “normées”, mais sans perdre l’âme. Le cuir tunisien est souvent plus fin, plus discret. On y fabrique des chaussures souples, des ceintures cousues à la perfection, des sacs élégants sans surcharge. L’odeur ici est moins violente, mais le cuir parle quand même. Il se plie avec douceur, il ne claque pas sous les doigts. Et il patine avec le temps, ce qui est toujours bon signe. Si vous aimez les pièces qui traversent les années sans bruit, Tunis est pour vous.
Beyrouth : entre luxe et artisanat
Le Liban offre une surprise. On n’y pense pas toujours pour le cuir, et pourtant… Beyrouth regorge de petits ateliers qui travaillent un cuir raffiné, souvent mélangé à des influences italiennes ou françaises. Les sacs sont droits, parfois rigides, très mode. Mais derrière les boutiques chics, il y a aussi ces vieux artisans du quartier de Gemmayzé ou de Mar Mikhaël, qui coupent encore à l’ancienne, dans des ateliers poussiéreux où le cuir pend comme du linge au séchage. Le vrai luxe, ici, c’est la main. Le geste. Le temps passé à faire simple mais solide. Et parfois, au fond d’un tiroir, une pièce unique, cousue il y a des années. Ce sont ces moments-là qu’on cherche.
Dubaï, pour les passionnés de sourcing
Évidemment, si vous cherchez du cuir en tant que matière première, que vous avez une marque ou un projet pro, alors Dubaï devient une option. On y trouve de grands entrepôts, des salons professionnels, des distributeurs de peaux semi-finies importées d’Europe ou tannées localement. Ce n’est pas l’ambiance artisanale, on est bien d’accord. Mais pour acheter en quantité, avec certification, ou tester différents types de cuir (veau pleine fleur, cuir grainé, cuir tanné végétal…), Dubaï peut surprendre. Attention tout de même : les prix varient énormément, et la qualité aussi. On y trouve du bon… et du très cheap.
Les bons réflexes pour repérer un beau cuir
On ne le dira jamais assez : le cuir, ça se sent, ça touche, ça écoute. Un bon cuir ne sent pas le plastique. Il a une odeur chaude, presque animale. Il ne brille pas de manière uniforme : au contraire, la lumière y glisse, mais s’accroche aux bosses, aux plis. Il plie sans casser, il a du ressort. Il est dense, mais pas raide. Et surtout, il vit. Il change avec le temps. Il se patine, il bronze, il se tache un peu parfois… mais il ne meurt pas. Si une pièce reste identique pendant trois ans, méfiance. Ce n’est pas du cuir, c’est une illusion. Demandez aussi l’origine : tannage végétal ou chrome ? Local ou importé ? Certains artisans aiment parler, profitez-en. Et si le vendeur vous regarde de travers parce que vous palpez trop longtemps… c’est bon signe.
FAQ
Où trouver du cuir artisanal à Fès ?
Dans la médina, direction la tannerie Chouara. C’est la grande, la mythique, celle avec les bassins ronds et les couleurs franches. On y voit les artisans marcher dans les cuves (parfois pieds nus, oui). L’odeur ? Forte. L’expérience ? Inoubliable. Et les pièces en cuir vendues autour ? Authentiques. Il faut fouiller un peu, mais on en ressort rarement les mains vides.
Quels sont les meilleurs souks pour acheter du cuir à Marrakech ?
Cap sur le souk aux cuirs, à l’est de la médina, près de Bab Kechich. Là, c’est l’abondance. Des sacs en cascade, des ceintures suspendues comme des lianes, des babouches à perte de vue. Il y a du beau, du très beau… et du moins beau aussi. Alors on touche, on sent, on regarde les coutures. Et on discute — ici, ça fait partie du prix.
Y a-t-il de bons artisans cuir en Tunisie ?
Oh que oui. À Tunis, le souk Es Sekajine est une pépite cachée. Moins tape-à-l’œil que Marrakech ou Fès, mais terriblement efficace. Le cuir y est travaillé avec sérieux. Les sacs sont solides, les vestes bien coupées, les coutures précises. C’est le genre d’endroit où l’on revient deux ans plus tard… juste pour racheter le même sac, en mieux.
Peut-on visiter un centre spécialisé dans le cuir en Tunisie ?
Absolument. Le Centre National du Cuir et de la Chaussure, à Ben Arous (près de Tunis), est une référence. Plus technique, plus orienté pro, mais si vous cherchez à comprendre comment le cuir est traité, transformé, exporté… c’est une bonne adresse. Moins romantique qu’une tannerie en médina, mais ultra instructif.
Existe-t-il du bon cuir au Moyen-Orient ?
Oui, mais c’est un autre monde. À Beyrouth, certains ateliers perpétuent un savoir-faire pointu : cuir grainé, coutures ultra nettes, inspiration italienne ou française. À Dubaï, c’est plus industriel : on y trouve des grossistes, des entrepôts, des peaux prêtes à être transformées. C’est moins poétique, mais idéal pour un sourcing sérieux.
Comment repérer un cuir de qualité ?
Il faut regarder, sentir, toucher. Un bon cuir ne brille pas comme une nappe en plastique. Il a une odeur chaude, profonde, presque animale. Il se plie sans casser, il garde la trace du geste. Les coutures doivent être régulières, les bords nets, les doublures propres. Et s’il vous parle ? C’est qu’il est pour vous.
Les prix sont-ils négociables dans les souks ?
Bien sûr. C’est même presque un jeu. On ne négocie pas comme on marchande, on négocie comme on danse. Avec tact, sourire, un brin de théâtre. Et parfois, en s’éloignant un peu… la remise tombe toute seule. Conseil ? Fixez-vous un prix en tête, mais restez souple. Comme le cuir.
Peut-on ramener du cuir dans sa valise sans souci ?
En général, oui. Tant que vous achetez des articles finis (sacs, chaussures, vestes), aucun problème. Mais si vous voulez ramener des peaux brutes, renseignez-vous sur les douanes. Certaines matières (notamment si elles ne sont pas tannées) peuvent être soumises à restriction.
Le cuir est-il vraiment moins cher au Maghreb ?
Oui… mais. Moins cher qu’en Europe, clairement. Mais attention aux fausses bonnes affaires. Un cuir de mauvaise qualité, même pas cher, ne tiendra pas. Visez plutôt le bon rapport qualité/prix. Une pièce solide, bien faite, un peu plus chère, mais que vous garderez dix ans. Là, ça vaut le coup.
Quel cuir privilégier : vache, chèvre, chameau ?
Tout dépend de l’usage. Le cuir de vache est robuste, parfait pour les sacs ou vestes. Celui de chèvre est plus fin, souple, idéal pour les accessoires. Le cuir de chameau ? Moins courant, mais très résistant, avec un grain unique. À vous de choisir… en le touchant. C’est toujours la main qui décide.
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À propos de Salima Bachar
Salima Bachar est autrice pour La Maison des Sultans. Elle écrit avec la mémoire du sable, la douceur des rituels anciens et la richesse des secrets glissés entre les fêtes lumineuses et les rêves qui veillent. Beauté, bien-être, maison, voyages… Ses textes célèbrent les gestes discrets, les traditions vivantes et les symboles qui traversent le temps. Entre matières naturelles et récits sensibles, sa plume relie l’intime à l’universel, avec une voix sensorielle et profonde.
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