Pleine Lune de Sang en islam : entre signe céleste et rappel sacré 

Pleine Lune de Sang en islam : entre signe céleste et rappel sacré 

par Salima Bachar

C’est une nuit qui ne ressemble pas aux autres. Il y a quelque chose dans l’air. Un silence inhabituel. Un ciel chargé, presque tendu. Et là-haut, comme suspendue… une lune. Mais pas blanche. Pas nacrée. Une lune rouge. Terre cuivrée, cœur en feu. Certains lèvent les yeux avec fascination. D’autres ressentent une gêne, un pincement, une crainte. En islam, ce genre de nuit n’est pas prise à la légère. Ce n’est pas juste un joli phénomène astronomique. La Pleine Lune de Sang – provoquée par une éclipse lunaire totale – est un signe, un rappel, une invitation à sortir du quotidien pour s’interroger. Non pas dans la peur. Mais dans la conscience. Et ce n’est pas nouveau. Le Prophète ™ en a parlé, avec des mots simples, mais qui coupent droit.

Une lune rouge, oui… mais pas de superstition

D’abord, remettons les pendules à l’heure. En islam, la lune rouge n’est pas un présage de malheur, ni une punition divine. Le Prophète ™ a été très clair là-dessus. À l’époque, certains pensaient qu’une éclipse était liée à la mort d’un grand personnage. Mais il a dit : « Le soleil et la lune sont deux signes parmi les signes d’Allah. Ils ne s’éclipsent pas pour la mort ou la naissance de quelqu’un. » (rapporté par Boukhari et Mouslim). Voilà. Pas de panique cosmique. Pas de croyance magique. Juste un moment fort. Un moment où le ciel parle. Mais avec des silences. Des images. Des sensations. On ne doit pas le fuir. On doit le vivre… en prière.

Une prière rare, puissante, méconnue : Salat al-Khusuf

Cette nuit-là, quand la lune rougit, on ne sort pas pour faire des stories. On se recueille. On entre dans un autre rythme. Il existe une prière spéciale, que peu de gens connaissent : Salat al-Khusuf (la prière de l’éclipse lunaire). C’est une prière surérogatoire, collective de préférence, mais que l’on peut faire aussi seul(e). Elle se fait en deux unités (rak’ats), avec plusieurs inclinaisons et récitations longues. Ce n’est pas une prière classique. Elle a quelque chose d’un peu solennel, un peu suspendu. On sent le lien entre ciel et terre se resserrer. Comme si le cosmos, pour un instant, respirait avec nous. Et on prie non pas pour annuler l’éclipse – on n’est pas là pour ça – mais pour se reconnecter à Allah, humblement, en reconnaissant Sa grandeur.

Et si la lune rougit… c’est que nos cœurs doivent écouter

Dans la tradition musulmane, la nature est pleine de signes. Des ayat. Et la lune en fait partie. Quand elle change de visage, ce n’est pas juste un spectacle. C’est un message visuel, destiné à réveiller quelque chose en nous. Un rappel de l’impermanence, du pouvoir divin, de la fragilité de notre perception. Car franchement, qui peut ignorer une lune rouge ? Personne. Même les plus rationnels s’arrêtent une seconde. Il y a comme une dissonance. Une lumière qui dit : "Regarde-moi bien… et maintenant regarde-toi." En arabe, on dit souvent tadhakkur, ce moment où l’on se rappelle. Une lune rouge, c’est ça. Un déclencheur de souvenir spirituel. Une secousse douce. Un miroir coloré par le ciel lui-même.

Aucune peur… mais une certaine gravité

Ce qui marque dans la vision islamique, c’est l’équilibre. Ni dramatisation, ni banalisation. On ne s’effraie pas, on ne s’endort pas non plus. C’est une attitude de khushu’, ce mélange de respect, d’humilité, de présence intérieure. On ne crie pas au loup, on ne s’enferme pas dans des légendes. On se lève. On fait nos ablutions. Et on entre dans ce moment comme on entre dans une mosquée : doucement, sans trop parler. Dans les hadiths, on lit que le Prophète ™ priait longtemps, récitait des passages longs du Coran, parfois pleurait. Il appelait à l’invocation, à la charité, à la prière, dans ce genre de nuits. Pas à des interprétations exagérées ou des délires symboliques. Juste à la présence. À l’essentiel.

Et les rêves, dans tout ça ?

C’est drôle, mais souvent, après une pleine lune – surtout une pleine lune rouge – certains rapportent des rêves étranges. Chargés. Flous. Troublants. Des symboles de feu, de sang, de mort ou de renaissance. Et dans l’islam, les rêves ont leur place. Pas tous, bien sûr. Mais ceux qui restent, ceux qui marquent. Ibn Sirin, célèbre interprète des rêves, disait que certains songes peuvent venir comme un écho de l’âme, ou un message, ou même une vision. Alors, une lune rouge qui apparaît… puis un rêve de sang, ou de disparition, ou de lumière soudaine ? Ça interroge. Ce n’est pas une preuve. Mais ce n’est pas à balayer d’un revers de main non plus. Si le sujet vous parle, on vous conseille de lire cet article sur la signification des rêves de sang. Il met en lumière ces émotions qu’on n’ose pas toujours nommer. Celles qui bougent à l’intérieur quand dehors… la lune se teint de rouge.

Quelle différence entre lune rouge et lune rousse ?

On les confond souvent, et pourtant… elles n’ont pas grand-chose à voir. La lune rouge est le résultat d’une éclipse lunaire totale, où l’ombre de la Terre filtre les rayons du soleil et colore la Lune d’un rouge profond. Tandis que la lune rousse, elle, apparaît souvent au printemps, au ras de l’horizon, et prend sa teinte à cause de la poussière et de l’humidité de l’air. En islam, seule la lune rouge – celle des éclipses – a un statut spirituel particulier, avec sa prière, son ambiance, sa charge symbolique. La lune rousse, elle, reste poétique… mais n’a pas de signification religieuse propre.

Une question revient : est-ce un signe de fin des temps ?

On entend parfois dire : “Quand la lune se teindra de sang… ce sera la fin du monde.” Une idée qu’on retrouve dans certaines traditions chrétiennes (livre de l’Apocalypse), mais aussi, en partie, dans des hadiths. Oui, certains hadiths évoquent des signes de la fin des temps, dont des changements célestes visibles, comme la lune, le soleil ou les étoiles. Mais ces signes ne sont pas systématiquement reliés à chaque éclipse. En islam, il n’est pas conseillé de s’aventurer dans l’interprétation absolue. Allah seul sait. Et le Prophète ™ nous a appris à nous préparer au Jugement comme s’il arrivait demain… mais à vivre chaque jour comme si la vie continuait. Alors, lune rouge ou pas, c’est votre état du cœur qui compte.

Ce qu’en disent certains musulmans aujourd’hui (sur Reddit, par exemple…)

Et puis, il y a ce qu’on lit dans les livres… et ce qu’on entend dans la rue, ou sur Internet. Par curiosité, on est tombé sur une discussion partagée sur le forum Reddit, dans la section r/islam, où des musulmans du monde entier échangent librement, sans langue de bois. L’un d’eux, sous le pseudo SpiritedHorse0, raconte qu’en regardant un documentaire sur la prise de Constantinople par les Ottomans, il a appris que ces derniers, alors en pleine bataille, auraient vu une lune de sang dans le ciel. Ils l’auraient interprétée comme un bon présage d’Allah, une sorte d’encouragement céleste. De leur côté, les chrétiens y auraient vu un mauvais présage, ce qui aurait plombé leur moral. Une scène presque cinématographique… mais est-ce que cette interprétation tient spirituellement, en islam ?

Sous le post, les réponses sont assez claires. burnout457 écrit : « Ça n’a aucun fondement dans l’Islam. Le seul truc qui a un fondement, c’est de prier pendant une éclipse (et de faire l’aumône), juste parce que l’éclipse est un signe d’Allah. Pas un signe de bien ou de mal, juste un signe qu’Il a tout le pouvoir. » Une voix posée, sans fioriture. Plus bas, MolviReddit confirme : « Rien à voir avec l’Islam. Probablement lié à la culture turque ou mongole. » Autrement dit, ce genre de lecture symbolique est parfois plus culturelle que religieuse.

D’autres, comme tafurid, nuancent un peu : « Bah, à l’époque, ils prenaient presque tout comme un signe d’Allah. C’était probablement juste une méthode pour remonter le moral. » Une lecture plus psychologique, humaine. Comme quoi… même les lunes, parfois, servent à ne pas sombrer. Enfin, un autre utilisateur, AccomplishedRisk1, rappelle avec simplicité : « On dit qu’il faut demander pardon et faire l’aumône en ces temps-là… » — et ça, ça rejoint les hadiths.

Tout ça pour dire que même aujourd’hui, les musulmans du monde entier partagent, interrogent, recadrent… Et c’est peut-être ça, la spiritualité vivante : ce mélange de textes, de traditions et d’expériences personnelles.

À propos de Salima Bachar

Salima Bachar est autrice pour La Maison des Sultans. Elle écrit avec la mémoire du sable, la douceur des rituels anciens et la richesse des secrets glissés entre les fêtes lumineuses et les rêves qui veillent. Beauté, bien-être, maison, voyages… Ses textes célèbrent les gestes discrets, les traditions vivantes et les symboles qui traversent le temps. Entre matières naturelles et récits sensibles, sa plume relie l’intime à l’universel, avec une voix sensorielle et profonde.

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Salima répond toujours : contact@lamaisondessultans.com

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