Stambali Tunisie: guérison et transe

par Salima Bachar

Le Stambali, en Tunisie, résonne comme un tambour ancien, réveillant des énergies enfouies et invitant à un voyage mystique au cœur de la guérison et de la transe. Cette pratique ancestrale, à la croisée des traditions africaines et musulmanes, est bien plus qu’un simple rituel musical.

Le "Stambali": une tradition musicale et spirituelle présente dans la Tunisie des années 50

  • Elle était principalement présente dans la région de Tunis et de Sousse.
  • C'est une pratique qui est influencée par la culture africaine subsaharienne et qui mêle musique, chant, danse et rituels spirituels.

Souvent associé à des pratiques de guérison et de transe

  • Les participants, connus sous le nom de "stambaliyya" ou "adepts", se réunissent pour des séances appelées "lila" qui peuvent durer plusieurs heures, voire plusieurs jours.
  • Pendant ces séances effectuées dans les années 50, les participants jouaient de la musique traditionnelle avec des instruments tels que le zokra, le bendir (un tambour) et le tar (des castagnettes tunisiennes).
  • Les chants, les danses et les rythmes répétitifs créent une atmosphère propice à l'expérience de la transe.

Zokra, Bendir et Tar: les 3 instruments utilisés dans

 

  • La zokra est un instrument à vent, une sorte de cornemuse, qui est largement utilisé dans les régions rurales de la Tunisie. Il se compose d'un tuyau mélodique en bois sur lequel sont montées des anches simples ou doubles. Le joueur souffle dans le tuyau tout en utilisant ses doigts pour couvrir et découvrir les trous, ce qui produit une mélodie caractéristique.
  • Le bendir est un tambour sur cadre, souvent utilisé dans la musique soufie en Tunisie. Il est fabriqué en collant une peau de chèvre ou de poisson sur un cadre en bois. Le joueur frappe la peau avec ses mains, les doigts ou les poings pour produire des sons rythmiques. Le bendir est souvent utilisé pour accompagner les chants et les danses traditionnelles.
  • Le tar est un instrument à percussion, similaire aux castagnettes espagnoles, mais avec un son distinctif. Il se compose de deux petites plaques en bois ou en métal reliées par une ficelle. Le joueur tient les plaques entre ses doigts et les fait claquer ensemble pour produire des sons rythmiques. Le tar est également utilisé pour accompagner les chants et les danses traditionnelles en Tunisie.

Une pratique souvent observée à Tunis, l'Ariana ou La Goulette

  • Le Stambali est souvent associé à des pratiques spirituelles et à des rituels de guérison.
  • Certains participants peuvent entrer dans un état de transe et prétendent entrer en contact avec des esprits ou des entités spirituelles pour demander la guérison de maladies physiques ou mentales.
  • La pratique du Stambali n'est pas spécifiquement liée à l'islam, bien qu'elle puisse avoir des influences religieuses et spirituelles.

Le Stambali, en Tunisie : transe, mémoire et esprit des tambours

Ça ne ressemble à rien d’autre

C’est une musique. Mais pas que.
C’est une danse. Mais pas que.
C’est un souffle. Une transe. Une mémoire vivante qui tape sur des peaux tendues, fait tourner les corps, et réveille les ancêtres dans les ruelles blanches de Tunis.

Le Stambali, ce n’est pas juste un spectacle. C’est un monde. Une spiritualité venue d’ailleurs, installée dans les tripes du pays, transmise sans écrits, de souffle en souffle, comme un secret hurlé à la nuit.

D'où vient cette vibration ?

Le Stambali, c’est l’héritage des populations subsahariennes, esclaves ou affranchies, venues du Mali, du Niger, du Ghana, du temps de la traite arabe. Elles ont apporté avec elles des chants de guérison, des danses rituelles, des divinités, des appels aux esprits.

Et la Tunisie, terre de métissages, a accueilli cette spiritualité. Lentement. Parfois en silence. Parfois dans la peur. Mais toujours dans la musique. Et la musique, elle, ne ment jamais.

Le Stambali, c’est donc un rite afro-maghrébin, comme un pont jeté entre le continent noir et les terres berbères. Il mêle Islam populaire, soufisme, et croyances animistes. Une alchimie rare. Presque fragile. Mais incroyablement puissante.

Que se passe-t-il pendant un rituel ?

On entre. Une pièce. Parfumée d’encens. Lumière tamisée. Et ce son. Profond. Saccadé. Un gombri (longue basse africaine), des qraqeb (sortes de castagnettes métalliques). Et ce chant rauque, lent, hypnotique. On appelle les saints. On appelle les esprits. On parle à ce qui n’a pas de nom.

Les musiciens ne sont pas là pour faire joli. Ils ouvrent un passage. Et certaines personnes, peu à peu, tombent en transe. Elles dansent. Tournoient. Hurlent parfois. Elles ne sont plus vraiment là, mais ailleurs. Entre les mondes.

C’est impressionnant. Troublant. Et pourtant, jamais dangereux. Parce que le Stambali est guidé, codifié, protégé. Ce n’est pas un délire collectif. C’est un rituel ancien, ancestral, fait pour guérir les âmes et apaiser les esprits.

Une musique pour parler aux blessures

À l’origine, le Stambali était pratiqué dans des zaouïas, des sanctuaires soufis. Il servait à soigner les maladies de l’âme, les douleurs inexpliquées, les malchances persistantes. Un peu comme un exorcisme doux, avec des rythmes au lieu de cris.

Les gens venaient, souvent des femmes, pour “faire leur Stambali”. On venait avec un mal qu’on ne savait plus nommer. Et on repartait allégé, vidé, reconnecté à quelque chose.

Aujourd’hui encore, ça existe. Même si c’est plus discret. On appelle les esprits protecteurs : Sidi Marzoug, Sidi Saïd, Lalla Mimouna... Des noms qui viennent du Sud, et qui dansent sur les lèvres avec respect.

Et la place des femmes ?

Ah, elle est belle. Et forte.

Dans le Stambali, les femmes ont un rôle central. Ce sont souvent elles qui tombent en transe, qui ressentent le plus, qui portent la mémoire des esprits. Elles ne sont pas seulement spectatrices. Elles participent, chantent, offrent leur corps à la guérison.

Certaines deviennent même maîtresses de cérémonie, appelées parfois mqaddema. Elles connaissent les rythmes, les invocations, les huiles, les encens. Elles sont gardiennes du lien entre visible et invisible.

Pourquoi on n’en entend pas plus parler ?

Parce que c’est un héritage marginalisé. Trop africain pour certains, trop mystique pour d'autres. Longtemps, le Stambali a été vu comme “l’affaire des noirs”. Un folklore. Une bizarrerie. On l’a caché. On l’a méprisé.

Mais depuis quelques années, il revient. Doucement. Grâce à des associations, des musiciens engagés, des chercheurs passionnés, et surtout… des jeunes qui veulent réconcilier la Tunisie avec ses racines oubliées.

Il y a des festivals, des résidences artistiques, des documentaires. Le Stambali refait surface. Il refuse de mourir.

Ce que ça dit, en creux

Le Stambali, ce n’est pas juste une musique. C’est un acte de résistance poétique. Une manière de dire : “Nous avons été blessés, mais nous sommes là. Et nous avons un chant pour ça.”

C’est une manière de réconcilier les identités multiples, d’honorer les ancêtres oubliés, de célébrer les blessures devenues forces.

Et c’est pour ça qu’il touche autant. Même quand on ne comprend pas tout. Même si on ne connaît pas les mots. Parce que le Stambali parle à quelque chose de très profond. Un besoin de réconfort. De lien. De rythme.

Et maintenant ?

Fermez les yeux. Écoutez un rythme lent. Imaginez une pièce pleine d’encens. Un tambour qui bat, comme un cœur très ancien. Des chants. Des corps qui tournent. Et au fond, une paix étrange.

Voilà. Vous venez de ressentir un peu de Stambali.

À propos de Salima Bachar

Salima Bachar est autrice pour La Maison des Sultans. Elle écrit avec la mémoire du sable, la douceur des rituels anciens et la richesse des secrets glissés entre les fêtes lumineuses et les rêves qui veillent. Beauté, bien-être, maison, voyages… Ses textes célèbrent les gestes discrets, les traditions vivantes et les symboles qui traversent le temps. Entre matières naturelles et récits sensibles, sa plume relie l’intime à l’universel, avec une voix sensorielle et profonde.

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Salima répond toujours : contact@lamaisondessultans.com

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