
Pourquoi les juifs tunisiens mangent du riz à Pessah?
par Salima Bachar
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Pourquoi certaines traditions culinaires sont-elles spécifiques à une communauté particulière? C'est le cas de la communauté juive tunisienne et de sa tradition de consommer du riz pendant Pessah, la fête juive qui célèbre la libération des Israélites de l'esclavage en Égypte. Alors que de nombreuses communautés juives évitent le riz pendant cette période, les juifs tunisiens l'embrassent avec gourmandise. Entrons dans les détails savoureux de cette exception culinaire.
Les règles du jeu changent
Dans la plupart des traditions juives ashkénazes et certaines sépharades, le riz est classé parmi les "kitniyot", une catégorie d'aliments interdits pendant Pessah pour ceux qui suivent ces coutumes.
Les kitniyot incluent tous les types de légumineuses, grains et semences comme le maïs, le soja, les pois et, bien sûr, le riz.
Cette interdiction vise à éviter toute confusion avec les cinq types de grains interdits qui peuvent fermenter et devenir du chametz, le pain levé interdit pendant Pessah, la Pâque juive.
Mais les juifs tunisiens, comme d'autres communautés sépharades du Maghreb et de certaines parties de l'Espagne, ne classent pas le riz comme kitniyot. Cette approche plus permissive se fonde sur des interprétations régionales et des pratiques historiques qui distinguent les grains pouvant devenir chametz de ceux qui ne le peuvent pas, comme le riz.
Cette différence d'interprétation ouvre la porte à une riche variété de plats à base de riz pendant Pessah.
Une touche locale
La cuisine tunisienne est célèbre pour son utilisation audacieuse des épices et des saveurs vibrantes.
Pendant Pessah, le riz devient la toile de fond idéale pour exprimer cette richesse culinaire.
Les plats comme le riz djerbien ou le riz aux herbes et au poulet, ne sont que quelques exemples de la manière dont les juifs tunisiens incorporent le riz dans leur menu de Pessah, ajoutant une dimension festive et délicieusement parfumée à leurs célébrations.
Entre tradition et modernité
Pourquoi cette tradition persiste-t-elle spécifiquement chez les juifs tunisiens? La réponse réside dans la force des traditions transmises de génération en génération et dans le rôle de la nourriture comme expression de l'identité culturelle et religieuse.
Manger du riz à Pessah n'est pas juste une question de goût; c'est une affirmation de l'identité et une célébration des spécificités qui enrichissent le tissu de la communauté juive mondiale.
En conclusion, la tradition des juifs tunisiens de manger du riz pendant Pessah est un exemple fascinant de la manière dont les pratiques culturelles peuvent varier au sein d'une même religion, soulignant à la fois la diversité et la richesse des traditions juives. Tout comme le riz qui se mélange parfaitement avec divers ingrédients pour créer un plat harmonieux, cette tradition mélange histoire, religion et culture pour célébrer une fête pleine de significations et de saveurs.
Qu'est-ce que la fête de Pessah ?
Pessah, c'est bien plus qu'une simple célébration. C’est une véritable plongée dans l'histoire, une invitation à se reconnecter avec nos racines. Vous saviez que cette fête symbolise la liberté ? Une liberté conquise après des siècles d’esclavage en Égypte. Elle est souvent appelée "la fête des pains sans levain". Pourquoi ? Parce que pendant Pessah, on mange de la matsa, ce pain plat qui a vu le jour dans la hâte de la fuite.
Une histoire riche de sens
Imaginez-vous : un peuple entier quittant l'Égypte dans l’urgence, avec seulement le strict nécessaire. Pas le temps de laisser lever la pâte ! La matsa devient alors le symbole de cette précipitation. Mais au-delà du pain, Pessah raconte une histoire universelle. Celle du courage face à l'oppression, et de l'espoir qui pousse à avancer, même dans l’inconnu.
Les préparatifs de Pessah : un art à part entière
Préparer Pessah, c’est comme préparer une scène pour une grande pièce. Chaque détail compte. Et soyons honnêtes, c'est aussi l’occasion de redécouvrir des coins oubliés de sa maison !
Le grand ménage : une tradition incontournable
Saviez-vous que le nettoyage de Pessah a une dimension symbolique ? Il ne s’agit pas seulement de retirer les miettes de pain des recoins de la cuisine. Ce nettoyage représente aussi un renouveau, une manière de se débarrasser des "miettes" qui encombrent notre esprit. Une belle façon de faire peau neuve, non ?
Quelques astuces pratiques pour un nettoyage efficace :
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Inspectez les armoires comme un vrai détective.
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Utilisez des boîtes hermétiques pour stocker vos aliments.
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Impliquez les enfants : transformez cela en jeu d’exploration !
Le Seder : une mise en scène mémorable
Le point culminant de Pessah, c’est bien sûr le Seder. Un repas pas comme les autres, rempli de rituels et d'histoires. On lit la Haggada, un texte qui raconte l'exode. Et on ne fait pas que lire : on chante, on pose des questions, on répond. Une vraie pièce de théâtre où chaque convive joue un rôle !
Vous connaissez les “Quatre questions” posées par les enfants ? Elles marquent le début du dialogue. Pourquoi ce soir est-il différent de tous les autres ? Une question simple, mais si profonde.
Les aliments symboliques : un véritable langage
Sur la table du Seder, chaque aliment raconte une histoire. Une sorte de langage culinaire qui traverse les âges.
La matsa
Le pain de l’humilité. Il est croquant, simple, mais chargé de sens. On dit qu’il rappelle aussi la capacité à se contenter du minimum.
Le maror
Ce sont les herbes amères. Leur goût piquant évoque l'amertume de l’esclavage. Une bouchée, et vous êtes transporté à une époque où la liberté était un rêve lointain.
Le harosset
Une douce surprise ! Ce mélange de pommes, noix et vin représente le mortier utilisé par les esclaves pour construire. Mais son goût sucré rappelle que même dans les moments sombres, il y a une lueur d’espoir.
L’oeuf
L’œuf symbolise la renaissance. Un clin d’œil à la continuité de la vie. Et c’est aussi un aliment universel, présent dans tant de cultures !
Une ambiance chaleureuse et familiale
Pessah, c’est surtout l’occasion de se retrouver. De partager des souvenirs, des rires, et de créer de nouvelles histoires. Vous avez déjà essayé d’expliquer une tradition à un enfant ? Leur curiosité est sans limite ! Et souvent, leurs questions mènent à des réflexions profondes.
Astuces pour rendre le Seder inoubliable
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Ajoutez des petites surprises sous les assiettes.
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Préparez des jeux autour des symboles.
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Créez une playlist avec des chants traditionnels.
Le message universel de Pessah
Pessah n’est pas réservé à une seule communauté. C’est une fête qui parle à tous. Elle rappelle que la liberté est un droit fondamental, mais aussi une responsabilité. Et si on prenait ce moment pour réfléchir à notre propre notion de liberté ? Quelles sont les "chaînes" que nous souhaitons briser ?
Alors, prêts à plonger dans cette aventure millénaire ? Pessah, c’est bien plus qu’un repas ou des traditions. C’est une étincelle qui allume une flamme de réflexion et de partage.
FAQ – Pourquoi les Juifs tunisiens mangent-ils du riz à Pessah ?
Attendez, mais le riz n’est-il pas interdit à Pessah ?
En fait… pas pour tout le monde.
Dans les communautés juives ashkénazes (venues d’Europe de l’Est), le riz est classé dans les kitniyot, des légumineuses interdites à Pessah par tradition.
Mais du côté des juifs séfarades, et notamment les tunisiens, la règle est différente : le riz est autorisé, à condition qu’il soit bien vérifié. Grains par grains, parfois à la main. Un vrai rituel, fait avec soin et amour.
Pourquoi cette différence entre les communautés ?
Parce que le judaïsme n’est pas un bloc figé. Il est vivant, lié aux histoires, aux terres, aux migrations.
Les juifs tunisiens ont conservé des coutumes séfarades où les kitniyot ne sont pas interdites. Et surtout, le climat local, les habitudes culinaires, les ressources disponibles… tout cela entre dans la recette.
Bref, ce n’est pas juste une affaire de halakha (loi), c’est aussi une affaire de transmission, de mémoire, de pratiques enracinées.
Mais comment s'assurent-ils que le riz est cachère pour Pessah ?
La réponse est simple : on le vérifie à la main, souvent trois fois.
On le rince, on le scrute grain par grain pour s’assurer qu’il n’y a ni blé, ni impureté, ni résidu d’autre céréale. C’est presque une cérémonie en soi, faite en famille, souvent en papotant, entre deux gorgées de thé.
Ce n’est pas une corvée. C’est une préparation pleine de sens.
Et on le cuisine comment, ce riz de Pessah ?
Ah, là… on entre dans un monde à part.
Certains le préparent avec des épices douces, comme le curcuma ou le cumin. D'autres ajoutent des raisins secs, des amandes, ou le servent en accompagnement de plats mijotés comme le pkaila ou les boulettes de viande.
C’est un riz qui n’a rien de fade. Il chante les chaleurs du Sud, les souvenirs des repas partagés, les nappes blanches et les rires d’enfants qui courent entre les chaises.
Est-ce que c’est controversé ?
Oui… et non.
Dans certaines familles plus rigoureuses, même chez les séfarades, on choisit d’éviter le riz, par prudence ou par respect des traditions familiales. D’autres au contraire revendiquent fièrement cette coutume tunisienne, comme un marqueur d’identité.
Ce qui est beau, c’est que chaque table raconte une histoire différente. Il n’y a pas de recette unique. Il y a des lignes, des nuances, et beaucoup d’affection.
Ce riz a-t-il une signification symbolique ?
Plus qu’on ne le pense.
Manger du riz à Pessah, c’est comme réconcilier le passé et le présent. C’est dire : on respecte les lois, oui, mais à travers notre culture, nos usages, notre chaleur tunisienne.
C’est aussi, d’un point de vue spirituel, rendre l’ordinaire sacré. Transformer un ingrédient simple en souvenir précieux, en geste de transmission.
Et dans la diaspora tunisienne aujourd’hui ?
Le riz est toujours là.
Parfois sur des tables à Paris, parfois à Marseille, parfois à Netanya ou Montréal.
Il fait le lien entre générations. Il dit : on n’a pas oublié d’où l’on vient. Et même si les enfants ou petits-enfants ne parlent plus l’arabe tunisien, ils reconnaissent le goût, ce petit parfum unique qui flotte dans la maison pendant Pessah.
NB: la consommation de riz pendant Pessah n'est pas limitée aux Juifs tunisiens mais est courante parmi de nombreuses communautés sépharades. Contrairement aux Ashkénazes qui évitent les kitniyot, y compris le riz, pour éviter la confusion avec le chametz, les sépharades n'appliquent généralement pas cette restriction, reflétant la diversité des pratiques alimentaires dans la communauté juive mondiale.
À propos de Salima Bachar
Salima Bachar est autrice pour La Maison des Sultans. Elle écrit avec la mémoire du sable, la douceur des rituels anciens et la richesse des secrets glissés entre les fêtes lumineuses et les rêves qui veillent. Beauté, bien-être, maison, voyages… Ses textes célèbrent les gestes discrets, les traditions vivantes et les symboles qui traversent le temps. Entre matières naturelles et récits sensibles, sa plume relie l’intime à l’universel, avec une voix sensorielle et profonde.
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