Voici pourquoi on parle de Pâque juive
par Salima Bachar
Partagez
La Pâque est une période de célébration importante tant pour les communautés juives que chrétiennes, mais leurs origines et significations diffèrent grandement. Explorons ce qui distingue la Pâque juive, ou Pessah, en plongeant dans ses racines historiques et spirituelles.
Des racines historiques divergentes
Le saviez-vous? Le terme "Pâque" vient du mot hébreu "Pesach", qui signifie "passer par-dessus" ou "épargner", et fait référence à la dixième plaie d'Égypte, lors de laquelle les premiers-nés des Égyptiens furent tués mais ceux des Israélites furent épargnés. Ce terme est donc d'origine juive et a été utilisé en premier pour décrire cette fête biblique.
Pesach célèbre l'exode des Israélites d'Égypte, un moment où, selon la tradition juive, Moïse a libéré son peuple de l'esclavage sous le règne du Pharaon.
Cette fête est marquée par le Seder, un repas rituel qui inclut la lecture de la Haggadah, un texte qui raconte les événements de l'exode.
En contraste, la Pâque chrétienne, qui se produit à peu près à la même période de l'année, commémore la résurrection de Jésus Christ, crucifié durant la fête juive de Pâque. Les chrétiens célèbrent cet événement comme un signe de renouveau spirituel et de salut éternel.
Symboles et traditions : une étude de contrastes
Alors que la Pâque juive utilise des symboles tels que le matzah et les herbes amères pour rappeler l'amertume de l'esclavage et la précipitation de la fuite, la Pâque chrétienne n'intègre pas de tels symboles alimentaires de manière aussi centrale.
Les chrétiens observent cette période principalement par des services religieux, des prières et des chants qui célèbrent la résurrection de Christ.
Le contraste est notable dans les pratiques alimentaires aussi : pendant Pesach, la consommation de produits fermentés est interdite chez les Juifs, rappelant leur départ précipité d'Égypte.
Une portée théologique et communautaire
La Pâque juive est fortement ancrée dans l'histoire et l'identité juive, renforçant les liens communautaires à travers des rituels partagés et la transmission de l'histoire générationnelle.
En revanche, la Pâque chrétienne, tout en étant également un moment de rassemblement communautaire, met l'accent sur la promesse de la vie après la mort et la rédemption personnelle à travers la foi en Jésus Christ. Cela souligne une orientation plus individuelle vers la spiritualité et la célébration de la Pâque chrétienne.
Pourquoi les Chrétiens ont conservé le terme "Pâque"?
Les chrétiens ont conservé le terme "Pâque" pour désigner leur propre célébration en raison des événements survenus lors de la dernière semaine de la vie de Jésus, qui coïncident avec la fête juive de Pesach.
Selon le Nouveau Testament, la Crucifixion et la Résurrection de Jésus ont eu lieu durant la Pâque juive. Ainsi, en adoptant ce terme, les chrétiens établissent un lien entre la libération des Israélites de l'esclavage en Égypte et la libération spirituelle offerte par le sacrifice de Jésus, vu comme l'Agneau de Dieu qui ôte les péchés du monde.
En définitive, bien que les Pâques juive et chrétienne partagent un nom et coïncident souvent dans le calendrier, elles représentent des événements historiques et théologiques très différents, chacune avec ses propres rituels et significations. Comprendre ces distinctions aide non seulement à apprécier la profondeur de chaque tradition, mais aussi à reconnaître l'importance unique qu'elle revêt pour ses pratiquants.
En 2024, la Pâque juive, ou Pessah, débutera au coucher du soleil le lundi 22 avril et se terminera au soir du mardi 30 avril.
FAQ Pâque juive : rituels, sens profond, et ce qu’on ne vous dit pas toujours
C’est quoi exactement, Pessa’h ?
Pessa’h, c’est pas juste une “fête juive”. C’est un choc. Une mémoire vivante. Une traversée. C’est ce moment où, chaque année, on se rappelle que la liberté, ça ne tombe pas du ciel. Ça se conquiert. En sortant d’Égypte. En laissant derrière ce qui nous enferme. Pendant 8 jours (7 en Israël), on mange autrement, on vit autrement, pour se souvenir. Mais pas se souvenir de façon historique ou scolaire. Non. Se souvenir dans la chair, dans les gestes, dans les silences. Parce que l’histoire, elle recommence toujours. Et nous, on est là pour la raconter.
Pourquoi mange-t-on de la matza ?
La matza, ce pain plat, sec, presque cassant ? C’est un symbole. Brut. Fort. Ce n’est pas de la nostalgie en tranches. C’est le pain de l’urgence. Le pain de ceux qui n’ont pas eu le temps de faire lever la pâte. Car partir, ça ne se programme pas. Quand la liberté se présente, il faut la suivre sans hésiter. Même si le pain est pas moelleux. Même si on n’est pas prêts. La matza, elle est là pour nous rappeler que parfois, il faut courir. Sans bagages. Sans plans B. Et avec la foi au fond de la poche.
Pourquoi retire-t-on tout ce qui contient du levain ?
Parce que le levain, dans la tradition juive, c’est pas juste une affaire de boulangerie. C’est ce qui gonfle. Ce qui prend de la place. Ce qui enfle un peu trop. L’égo, la suffisance, la routine. Pendant Pessa’h, on fait place nette. On vide les placards. On nettoie tout, au millimètre. Et ça va plus loin que les miettes. C’est un rituel presque psychologique. On désencombre l’intérieur aussi. Pour repartir léger. Vraiment léger.
C’est quoi le Seder ?
Le Seder, c’est la nuit des questions. Une grande veillée. On lit, on chante, on raconte, on questionne. Toujours dans le désordre, toujours avec des enfants qui rient et des adultes qui s’endorment un peu trop vite. On suit un ordre précis (eh oui, “seder” ça veut dire “ordre”), mais on se perd dedans avec joie. Tout a une signification : le vin, l’os, l’herbe amère, l’œuf. Même les silences sont chargés. Et à la fin, on se dit qu’on n’a pas juste raconté une histoire. On l’a vécue. Un peu.
Pourquoi quatre verres de vin ?
Parce que la liberté, ça se savoure. Et quatre fois plutôt qu’une. Chaque verre marque une étape : je vous ferai sortir, je vous délivrerai, je vous sauverai, je vous prendrai. C’est écrit dans l’Exode. Et c’est comme une montée. À chaque verre, on se redresse un peu plus. On se rappelle qu’on n’est pas juste sortis d’un pays, mais aussi de ce qui nous enfermait de l’intérieur. Le vin, c’est le symbole de la joie. Mais une joie pleine de mémoire. Une joie grave. Vibrante.
Et pourquoi l’enfant pose-t-il les questions ?
Parce que c’est ça, l’essence de Pessa’h. Transmettre. Réveiller. Ouvrir les yeux et les oreilles. L’enfant, il n’est pas là pour écouter poliment. Il est là pour secouer les grandes personnes. “Pourquoi cette nuit est-elle différente des autres nuits ?” Cette phrase, c’est un appel. Une secousse. Ça nous dit : ne t’endors pas dans tes habitudes. Regarde ce qui se passe. Interroge. Interroge toujours. C’est par les questions qu’on sort d’Égypte. Pas par les certitudes.
Est-ce que tout le monde fête Pessa’h de la même façon ?
Pas du tout. Chaque famille a ses habitudes, ses plats fétiches, ses airs de chants plus ou moins justes. Chez certains, ça dure 4h, chez d’autres, ça finit en 40 minutes chrono. Y’a les Ashkénazes qui mangent gefilte fish et les Séfarades qui préparent des mets parfumés aux épices. Mais le cœur est là. Le récit commun. Cette idée que l’on est tous sortis d’Égypte. Tous. Ensemble. Même ceux qui ne le savaient pas.
Pourquoi dit-on que chaque année, il faut se sentir comme si on était soi-même sorti d’Égypte ?
Parce que sinon, c’est du théâtre. Et la Torah ne veut pas de spectateurs. Elle veut des vivants. “En chaque génération, l’homme doit se considérer comme s’il était sorti lui-même d’Égypte.” Pas ses ancêtres. Lui. Elle. Maintenant. Parce qu’on a tous nos Égypte. Nos limitations. Nos enfermements. Et que Pessa’h, c’est l’occasion de s’en rendre compte. D’oser en sortir. De goûter à une liberté qui ne dépend pas des murs, mais du regard qu’on pose sur soi.
Est-ce que c’est une fête triste ou joyeuse ?
C’est une fête en tension. Comme un violon qui vibre. Il y a du sang, des plaies, des larmes, des morts. Et en même temps, il y a des rires, des chants, du vin, des œufs durs avec du sel. C’est une joie sérieuse. Une gravité lumineuse. C’est ce mélange-là qui fait la beauté de Pessa’h. On n’oublie rien. On pleure et on danse dans le même geste. Comme dans la vraie vie.
Pourquoi interdit-on certaines légumineuses chez certains et pas chez d’autres ?
Ah, cette question divise les tables depuis des siècles. Chez les Ashkénazes, certaines légumineuses sont évitées : riz, pois chiches, lentilles… Parce qu’on les stockait parfois avec du blé, et ça créait le doute. Les Séfarades, eux, autorisent tout ça, tant que c’est bien vérifié. Résultat ? Des plats très différents. Mais au fond, l’intention reste la même : ne rien laisser entrer qui pourrait “lever”. Ni dans l’assiette, ni dans l’esprit.
Peut-on fêter Pessa’h même si on ne pratique pas toute l’année ?
Évidemment. Pessa’h, c’est pas un club privé. C’est une porte ouverte. Même si on a oublié, même si on s’est éloigné, même si on ne comprend pas tout. On peut s’asseoir. Écouter. Poser des questions. Se laisser toucher. C’est une fête qui parle à l’humain, pas juste au religieux. Elle parle à cette part en nous qui cherche à se libérer. À vivre mieux. Plus juste. Plus profond.
À propos de Salima Bachar
Salima Bachar est autrice pour La Maison des Sultans. Elle écrit avec la mémoire du sable, la douceur des rituels anciens et la richesse des secrets glissés entre les fêtes lumineuses et les rêves qui veillent. Beauté, bien-être, maison, voyages… Ses textes célèbrent les gestes discrets, les traditions vivantes et les symboles qui traversent le temps. Entre matières naturelles et récits sensibles, sa plume relie l’intime à l’universel, avec une voix sensorielle et profonde.
📮 Un mot doux, une question, un souvenir à partager ?
Salima répond toujours : contact@lamaisondessultans.com