Pourquoi la mloukhia est interdite?

par Salima Bachar

 

On pourrait croire à une légende urbaine. Une rumeur de quartier. Pourtant, l'interdiction de la mloukhia, ce plat sombre et envoûtant, circule bel et bien. Dans certains foyers, on n’en parle pas. On ne la cuisine pas. On l’écarte comme un mauvais présage. Mais pourquoi ? Que lui reproche-t-on exactement ? Une simple superstition ? Ou y a-t-il quelque chose de plus… piquant ?

Spoiler : ce n’est pas juste une histoire de goût.

Une plante aux deux visages

La mloukhia, c’est d’abord une plante. La corète potagère, jolie avec ses petites fleurs jaunes, pousse sous les climats chauds. Rien de menaçant à première vue. Pourtant, sous ses airs inoffensifs, elle cache un secret.

Ses graines sont toxiques. Oui, toxiques. Pas un peu. Réellement. C’est pour ça qu’on ne les consomme jamais. On ne joue pas avec ce genre de chose. Et là, tout s’éclaire : ce qui semble anodin dans l’assiette peut cacher des risques… si on ne maîtrise pas bien la préparation.

Mais on vous rassure : ce ne sont pas les graines qu’on mange. Ce sont les feuilles. Et là encore, les habitudes changent du tout au tout selon les régions.

Le même nom, mille façons de la cuisiner

Au Moyen-Orient, on la consomme fraîche et entière, façon soupe épaisse, souvent avec de l’ail, du citron, du riz. Elle reste verte, légère, herbacée. Un goût qui évoque l’herbe fraîche, la campagne.

En Égypte, on la fait sécher avant de l'utiliser. Une tradition millénaire. Les feuilles deviennent plus foncées, plus intenses. On les cuisine avec du bouillon, de la volaille, parfois des fruits de mer. C’est un plat presque quotidien.

Mais c’est en Tunisie, et dans certaines zones du Maghreb, que tout bascule. Ici, on réduit la feuille en poudre. On la fait cuire dans l’huile pendant des heures, jusqu’à former cette fameuse pâte noire, épaisse, un peu gluante. Un concentré de goût. Un choc sensoriel. Un mystère dans l’assiette.

Et c’est là que les légendes commencent.

Une soupe de deuil ou une offrande aux morts ?

Beaucoup de familles racontent que la mloukhia est le plat des morts. Elle serait préparée après un décès. Comme une offrande. Comme un passage obligé.

Et donc ? Manger de la mloukhia un jour ordinaire ? Presque un sacrilège.
Elle serait alors interdite pour ne pas “appeler” la mort. Une manière de tenir la faucheuse à distance. Comme si l’odeur, la texture, la noirceur… ouvraient une porte qu’il vaut mieux laisser fermée.

Rien de rationnel là-dedans. Mais qui a dit que la cuisine devait toujours être rationnelle ?

Une texture ensorcelante, une odeur qui reste

La mloukhia version tunisienne ne fait aucun compromis. Ni sur l’apparence, ni sur le goût. C’est l’anti-plat Instagram par excellence. Elle est noire, visqueuse, brillante. Elle ne cherche pas à séduire. Elle impose.

Et surtout… elle sent fort. Très fort. Elle embaume la maison. Elle s’incruste. Elle fait partie de ces plats qu’on sent avant de les voir. Et cette présence, certains la trouvent trop pesante, presque surnaturelle. D’où cette idée qu’elle attire les djinns, qu’elle trouble les esprits, qu’elle invite des énergies qu’on ne contrôle pas.

Fantaisie ? Peut-être. Mais les traditions sont tissées de ces fils invisibles.

Toxicité et prudence : l'autre facette de l’interdit

Revenons un instant à la plante. Ce qu’on oublie souvent de dire, c’est que la mloukhia demande un vrai savoir-faire. C’est une préparation qui se respecte. Mal dosée, mal lavée, mal cuite… elle peut devenir indigeste. Voire dangereuse, si on s’aventure à consommer les graines, par exemple.

Et là, on comprend mieux cette interdiction familiale qu’on pensait superstitieuse. Elle cache parfois une précaution ancienne, transmise de génération en génération : “Tu ne touches pas à ça si tu ne sais pas le faire.”

Une plante sacrée, une recette qui divise

Alors que certains la bannissent, d’autres la vénèrent. Il suffit de passer un repas chez une grand-mère tunisienne pour le comprendre. Elle broie la poudre comme on caresse un vieux livre. Elle mélange lentement. Elle goûte du bout des lèvres. C’est un rituel. Un plat qui soigne, qui relie, qui raconte.

Et si la mloukhia n’était qu’un miroir ? Un plat à double lecture : médicament ou poison, sacré ou maudit, selon les mains qui la cuisinent.

Derrière chaque mloukhia, une histoire

On ne mange pas la mloukhia par hasard. C’est un plat d’identité. De mémoire. Et parfois, de peur aussi. Elle traverse les frontières et les émotions. Elle divise les fratries. Elle soulève les débats à table. Et malgré tout ça… elle reste là.

Parce que même quand elle est interdite, elle hante les souvenirs.

La mloukhia est un plat traditionnel de la cuisine égyptienne à base de feuilles de corète potagère, également appelée jute alimentaire.

L'interdiction de la mloukhia n'est pas universelle et peut varier en fonction des croyances, des traditions culturelles et des pratiques alimentaires de chaque individu ou groupe.

Dans certaines cultures ou religions, il peut y avoir des restrictions alimentaires spécifiques qui excluent certains aliments, y compris la mloukhia, pour des raisons religieuses, culturelles ou personnelles car les graines pourraient être toxiques.

Les interdictions alimentaires peuvent être motivées par divers facteurs, notamment les interprétations religieuses, les considérations de santé, les traditions familiales ou les préférences personnelles.

Certaines personnes peuvent choisir d'éviter la mloukhia en raison de sa texture, de son goût ou de ses propriétés nutritionnelles. D'autres peuvent éviter certains aliments en raison de restrictions alimentaires spécifiques liées à leur religion ou à leur mode de vie.

Il est toujours recommandé de respecter les croyances et les choix alimentaires individuels. Si vous avez des préoccupations ou des questions spécifiques sur l'interdiction de la mloukhia, il est préférable de vous référer aux sources culturelles, religieuses ou communautaires appropriées pour obtenir des informations plus précises et spécifiques à votre contexte.

À propos de Salima Bachar

Salima Bachar est autrice pour La Maison des Sultans. Elle écrit avec la mémoire du sable, la douceur des rituels anciens et la richesse des secrets glissés entre les fêtes lumineuses et les rêves qui veillent. Beauté, bien-être, maison, voyages… Ses textes célèbrent les gestes discrets, les traditions vivantes et les symboles qui traversent le temps. Entre matières naturelles et récits sensibles, sa plume relie l’intime à l’universel, avec une voix sensorielle et profonde.

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Salima répond toujours : contact@lamaisondessultans.com

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1 commentaire

C’est pas bon force a mes tunsi on est pas ensemble

anti mloukhia

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