Que symbolise la grenade dans la religion juive?

Que symbolise la grenade dans la religion juive?

par Salima Bachar

La grenade dans la religion juive : un fruit, mille secrets

C’est rond. C’est rouge. Ça explose sous la dent.
Et non, ce n’est pas une cerise vénère. C’est une grenade.

Elle colle un peu. Elle tache beaucoup.
Mais surtout… elle parle. Et pas qu’un peu.
Depuis des siècles, ce fruit pulpeux raconte des histoires. Il s’invite dans les rituels, dans les prières, sur les tissus… et dans les songes aussi, parfois.

Une grenade, 613 graines (ou… pas tout à fait)

Tiens, commençons par une légende.
Une belle image qui traverse les siècles comme une promesse sucrée.

Dans la tradition juive, on raconte que la grenade contient 613 graines.
Comme les 613 mitzvot, ces commandements de la Torah.

Mais bon… soyons honnêtes : ce n’est pas toujours vrai.
Certains fruits en ont 200. D’autres explosent au-delà des 1 000.
Une grenade n’est pas une calculette divine.

Et pourtant, ce chiffre 613 n’a pas été choisi au hasard.

Il vient d’un jeu sacré, un jeu de lettres.
En hébreu, chaque lettre a une valeur numérique.
Et si vous additionnez les lettres du mot “Torah” (תורה) ?
Vous tombez sur… 611.

  • ת = 400

  • ו = 6

  • ר = 200

  • ה = 5

Total ? 611.

Mais alors, pourquoi 613 ?

Parce que – selon une interprétation transmise de génération en génération – deux commandements ont été donnés directement par Dieu au mont Sinaï (les deux premiers des Dix Commandements)…
Et les 611 restants ont été transmis par Moïse.

611 + 2 = 613. Voilà le compte.

Alors oui, la grenade n’a peut-être pas toujours 613 graines…
Mais elle incarne un chiffre chargé de mémoire, de symboles, de récits.
Un chiffre cousu dans l’ADN du texte, dans ses lettres mêmes.

Et ça, franchement, ça ne se mange pas.
Ça se médit.

Des fruits au bout d’un manteau

La grenade ne reste pas dans les assiettes. Elle grimpe.
Direction : le Temple de Jérusalem.

Imaginez la scène : un manteau bleu, brodé à la main. Solennel.
C’est la tenue du Kohen Gadol, le Grand Prêtre.

Et sur l’ourlet ? Des petites grenades décoratives, en laine tissée bleu, violet, carmin.
Entre chaque fruit textile, une clochette d’or.

Cling. Grenade. Cling. Grenade.
Un petit carillon sacré, discret mais vibrant.

Pourquoi ce tintement ?
Pour signaler la présence du prêtre quand il entre dans le sanctuaire.
Pas de surprise. Pas d’intrusion.

Mais on peut y lire plus.
Une alternance. Un rythme. Un message :
le sacré a besoin de bruit, mais aussi de fruit.
De mouvement… mais aussi de racines.

Une couronne sur la tête

Regardez bien une grenade.
Son sommet, ce petit pic rigide ?
On dirait une mini-couronne.

Et ça tombe bien. En hébreu, le mot “Keter” signifie couronne.
Et dans la Kabbale, “Keter” désigne le sommet de la hiérarchie spirituelle.
Le plus haut. Le plus immatériel.

Alors est-ce qu’une grenade évoque la royauté ? La spiritualité ?
Peut-être pas pour tout le monde… mais dans certains cercles mystiques, clairement oui.

Elle devient cette chose étrange et belle :
Un fruit qui pousse sur terre, mais regarde le ciel.

Tiens, ça me rappelle…

…ces marchés en Israël, là où tout déborde.
Les odeurs, les cris, la chaleur.
Et les pyramides de grenades, rouge sang, prêtes à éclater.

Quand on en ouvre une ?
Le jus jaillit. Collant. Épais.
Et ce rouge profond… on dirait du vin, ou du sang.

Et là, on bascule.

La grenade, ce n’est plus juste un fruit sympa pour salade branchée.
C’est aussi un symbole de vie. D’abondance.
De ce qui nourrit, soigne, relie.

D’ailleurs, pendant Rosh Hashana, le Nouvel An juif, beaucoup mangent de la grenade.
Pas pour les vitamines. Pour le souhait :
“Que nos bonnes actions soient aussi nombreuses que ses graines.”

Une bouchée pleine d’espoir.
Un goût d’avenir.

Elle en fait tout un jus

C’est un fruit capricieux. On croit que ça va s’ouvrir facilement…
Erreur. Ça résiste.

La peau est dure, coriace. Il faut des doigts agiles. Ou un bon couteau.
Mais une fois ouverte ? C’est la fête. Une architecture divine.
Des centaines de petites perles, logées dans des alvéoles translucides.

Et là… on comprend.
La sagesse juive n’a pas choisi ce fruit au hasard.

La grenade, c’est une métaphore en kit.

Elle dit : “Ce qui est profond se mérite. Ce qui est sacré se découvre.”
Et si les 613 graines ne sont pas réelles ? Peu importe.
Ce qu’on cherche, c’est le geste. L’intention. Le sens.

Dans les textes : du Cantique à la Torah

La grenade apparaît dans plusieurs textes bibliques.
Mais celui qui lui donne une aura presque charnelle, c’est le Cantique des Cantiques.

Un poème mystique, amoureux, brûlant.
On y lit : « Tes joues, derrière ton voile, sont comme des moitiés de grenade. »

Étrange ? Peut-être. Mais puissant.

La grenade devient ici symbole du désir, de la sensualité, de la féminité.
Elle n’est pas que religieuse. Elle est aussi charnelle.

Et dans ce poème sacré, l’amour humain frôle l’amour divin.
Ce n’est pas contradictoire. C’est complémentaire.

En Kabbale, encore un tour

La Kabbale, toujours elle.
Là aussi, la grenade trouve sa place.

Certaines lectures mystiques la voient comme une mosaïque des Sefirot.
Chaque graine représenterait un attribut de Dieu. Une facette du divin.
Une goutte de lumière dans une coquille rouge.

On est loin du fruit de supermarché.

Mais dans la mystique juive, tout peut devenir langage.
Un fruit. Une lettre. Une vibration.

Et c’est peut-être ça, le vrai miracle de la grenade :
Elle porte du sens, même quand on ne le voit pas.

Aujourd’hui, elle fait toujours parler d’elle

Alors ? Tout ça, c’est du passé ?
Pas du tout.

  • Dans les repas de fête, elle revient, colorée, juteuse, pleine de vœux.

  • Sur les textiles juifs traditionnels, elle est brodée, peinte, cousue.

  • Dans la déco sépharade, elle trône sur les plateaux, comme une petite offrande silencieuse.

  • Et même dans les écoles juives, on en parle. On la raconte. On l’explique.

Elle devient une manière simple d’enseigner une idée complexe :
“Chaque graine compte. Chaque geste a du poids.”

Même les enfants comprennent ça.
Surtout eux, en fait.

Et si on n’ouvrait pas la grenade ?

Il y a aussi ceux qui ne l’ouvrent pas. Qui la regardent, posée sur une étagère.
Comme un talisman. Un rappel.

Et là… elle devient presque silencieuse.
Mais toujours présente.

Une forme ronde, couronnée, fermée.
Comme une énigme.
Comme un secret qu’on n’est pas encore prêt à goûter.

Et voilà.
Ce fruit qui colle, qui éclate, qui tache…
Ce fruit-là, dans la religion juive, c’est bien plus qu’un en-cas.

C’est une métaphore sacrée, une trace biblique, une poésie culinaire.

Et quand on y pense, c’est fou tout ce qu’un simple fruit peut contenir.
Un peu comme une graine.
Ou une prière.

FAQ – Que symbolisent les objets et aliments dans le judaïsme ?

Des sons, des goûts, des gestes… et des mondes entiers derrière chacun.

Que symbolise la grenade dans le judaïsme ?

La grenade, c’est un fruit qu’on ouvre, mais qui vous ouvre aussi.
Elle symbolise la Torah, avec ses 613 commandements… en écho aux 613 graines (en théorie !) qu’elle contiendrait.
Mais elle dit bien plus : abondance, beauté, pureté, et même désir, dans certains textes bibliques.
Une couronne sur la tête, des perles cachées à l’intérieur… un fruit qui mélange le visible et l’invisible.

Pourquoi mange-t-on du miel à Rosh Hashana ?

Pour que l’année commence douce. Tout simplement.
Pas sucrée façon bonbon chimique, mais douce comme un matin tranquille, comme une parole tendre.
On trempe la pomme dans le miel, on ferme les yeux, et on souhaite :
“Shana Tova uMetouka”, une bonne et douce année.

C’est plus qu’un aliment : c’est une intention en bouche.
Une prière qui colle un peu aux doigts.

Que symbolise le shofar dans la tradition juive ?

Le shofar, c’est une corne. Une vraie. De bélier.
Quand on la souffle, ça ne fait pas de musique.
Ça fait WAH, brut, rugueux, archaïque.
Un son qui réveille. Qui secoue l’âme.

Pendant Rosh Hashana et Yom Kippour, il appelle à se retourner vers soi.
À faire téchouva. À revenir. À ressentir.
C’est le cri d’un monde sans mots. Un appel à Dieu… ou à soi-même.

Quelle est la symbolique des bougies de Shabbat ?

Deux bougies. Toujours. Une pour “se souvenir”, l’autre pour “garder” le Shabbat.
On les allume avant le coucher du soleil, souvent avec un souffle suspendu et un murmure de bénédiction.

C’est un geste petit… mais énorme.
Car la lumière des bougies, c’est la paix dans la maison.
C’est l’entrée dans le temps sacré, ce moment où le monde s’arrête un peu, respire autrement.

Un halo chaud, un silence doré, une odeur de cire fondue…
Et tout change.

Pourquoi le pain de Shabbat est-il tressé ?

La ‘hallah, ce pain tressé doré, c’est plus qu’un délice.
C’est un symbole d’unité. Les brins se croisent, comme les chemins de la semaine.
Et à Shabbat, ils se posent ensemble. Reliés.

Certains disent que les deux pains du vendredi soir rappellent la double portion de manne tombée dans le désert.
D’autres voient dans les tresses une harmonie, un équilibre.

Dans tous les cas : c’est beau, c’est bon, et ça dit quelque chose de sacré dans le quotidien.

Que représentent les 7 espèces (shiv’at haminim) ?

Le blé, l’orge, la vigne, la figue, la grenade, l’olive, la datte.
Sept trésors de la Terre d’Israël.

Pas choisis au hasard.
Chacun évoque une bénédiction, une qualité, un lien au sol et au divin.

Ces espèces sont mentionnées dans le Deutéronome. Elles symbolisent la terre nourricière, le don divin, et elles accompagnent de nombreuses fêtes.
On les mange, mais surtout… on les honore.

Pourquoi utilise-t-on une mezouza sur la porte ?

La mezouza, c’est ce petit boîtier oblique, fixé au chambranle.
Dedans ? Un parchemin. Avec deux passages du Shema Israël, écrits à la main.

Elle est là pour protéger la maison.
Pour dire : ici, on se souvient. Ici, on se relie. Ici, on entre avec conscience.

Certains la touchent du bout des doigts. D’autres y déposent un baiser léger.
Mais tous savent : c’est un geste de lien, un rappel physique de l’alliance.

Pourquoi boit-on quatre coupes de vin à Pessa’h ?

Parce que la liberté, ça se célèbre en plusieurs temps.
À Pessa’h, on boit quatre coupes de vin pour évoquer les quatre expressions de délivrance dans l’Exode.

Sortir, sauver, libérer, prendre.
Quatre verbes. Quatre coupes.
Et au fil du Seder, le vin devient presque une narration liquide.
Une montée vers l’affranchissement. Une ivresse douce d’émancipation.

Quelle est la symbolique du talit (châle de prière) ?

Le talit, ce grand châle blanc avec des franges (tsitsit), c’est une enveloppe de prière.
On s’y glisse pour se concentrer, se protéger, se reconnecter.

Chaque frange rappelle les commandements. Chaque nœud, un lien.
Et ce tissu léger devient une tente invisible entre soi et le ciel.
Certains le portent aussi comme un manteau de silence.

Que signifie la kippa ?

Petite, ronde, posée sur la tête.
La kippa, c’est un symbole d’humilité.
Elle dit : il y a plus haut que moi.

Pas besoin de discours.
Elle suffit à rappeler qu’on est debout sous un ciel infini.
Un ciel qui voit, qui entend, qui relie.

👉 Et si la grenade vous fascine autant que nous…
Vous pouvez aussi découvrir ce qu’elle signifie dans les rêves selon la tradition islamique.
Une autre vision, d'autres symboles... mais toujours ce fruit plein de mystère.

À propos de Salima Bachar

Salima Bachar est autrice pour La Maison des Sultans. Elle écrit avec la mémoire du sable, la douceur des rituels anciens et la richesse des secrets glissés entre les fêtes lumineuses et les rêves qui veillent. Beauté, bien-être, maison, voyages… Ses textes célèbrent les gestes discrets, les traditions vivantes et les symboles qui traversent le temps. Entre matières naturelles et récits sensibles, sa plume relie l’intime à l’universel, avec une voix sensorielle et profonde.

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Salima répond toujours : contact@lamaisondessultans.com

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