Que symbolise le miel dans la religion juive?

Que symbolise le miel dans la religion juive?

par Salima Bachar

Le miel dans la religion juive : entre douceur, promesse et silence doré

On croit connaître le miel.
Une tartine, une tisane, une gorge qui pique…
Mais dans la religion juive, il y a autre chose.
Un truc plus profond. Plus symbolique. Presque mystérieux.

Le miel, ce n’est pas juste du sucre gluant dans un pot.
C’est une métaphore. Une prière muette. Une attente douce.

Tiens, commençons par le plus connu.

Le miel de Rosh Hashanah : douceur programmée

Chaque début d’année juive, on y revient. Toujours.
On trempe une pomme dans du miel. Pas du sirop. Pas du sucre. Du miel.

Et on dit :

« Que cette année soit douce comme le miel. »

C’est joli, non ?
Mais c’est plus que joli.

C’est presque un défi lancé au ciel.
Une façon de dire :
On sait que tout ne sera pas facile, mais… au moins un peu de douceur, s’il vous plaît ?

Parce que dans ce geste – simple, enfantin – il y a toute une philosophie.
On espère. On projette. On goûte à l’avance ce qu’on souhaite vivre.

Un peu comme quand on se parfume pour un rendez-vous : ça ne garantit rien, mais… on y croit.

Pourquoi du miel et pas autre chose ?

On pourrait se poser la question.

Pourquoi pas du lait concentré ? Ou du sirop d’érable ?
Pourquoi le miel ?

Eh bien, pour plusieurs raisons. Et pas toutes logiques.

1. Le miel est naturellement doux, mais pas fabriqué

C’est la création qui l’a produit, pas l’humain.
Et dans la Torah, ce qui vient du monde naturel est souvent plus pur. Plus digne.

2. Il vient d’un insecte, l’abeille, qui pique

Un peu comme la vie : douce, mais piquante. (Souvent dans la même journée.)

Et c’est ça qui rend le symbole fort.
Le miel n’est pas naïf. Ce n’est pas une sucrerie béate.
C’est une douceur lucide. Une douceur qui sait d’où elle vient. Et à quel prix.

Terre promise et "miel" : parlons de ce fameux verset

Si vous avez mis les pieds dans une synagogue, vous avez sans doute entendu cette phrase :

« Une terre où coulent le lait et le miel. »

On dirait presque un slogan touristique.
Mais non, c’est beaucoup plus ancien. Et beaucoup plus puissant.

Cette expression revient plus de 20 fois dans la Torah.
C’est l’image de la Terre promise, celle vers laquelle Moïse conduit son peuple.

Et ce “miel”, alors ?
Ce n’est pas forcément du miel d’abeille.
Non. Il s’agirait plutôt d’un miel de dattes (ou de figues).
Un sirop épais, sucré, brun.
Qui colle aux doigts. Qui sent bon. Qui brille sous le soleil.

Bref : une image de fertilité. De richesse. D’abondance.
Pas une promesse vague, non. Une promesse qui se mange.

Le miel et les mots : douceur et Torah

Dans le judaïsme, les mots sont sacrés.
Chaque lettre compte. Chaque syllabe vibre.

Et justement, le miel entre dans ce jeu-là.

Les psaumes disent :

« Les paroles de l’Éternel sont plus douces que le miel. »

Et là, on comprend mieux.
Le miel, ce n’est pas qu’un aliment. C’est une expérience intérieure.
Une manière de dire :
Ce texte sacré, il me touche, il me nourrit, il me guérit.

On raconte même que les enfants qui commencent à étudier la Torah
– vers trois ou quatre ans –
reçoivent des lettres écrites en miel sur une ardoise.
Ils les lèchent.

Littéralement.

Pourquoi ? Pour associer l’étude au plaisir.
Pour dire : apprendre, c’est doux, c’est bon, c’est sucré.

Ça change du tableau noir et de la craie sèche.

Le miel, c’est aussi… ce qu’on ne dit pas

Et là, on entre dans quelque chose de plus subtil.
De plus secret.

Le miel, c’est épais. Ça coule lentement. Ça colle.

Un silence sucré. Un mot retenu.

Dans certaines lectures mystiques (oui, la Kabbale est passée par là),
le miel symbolise ce qui descend du ciel sans faire de bruit.

Pas la foudre. Pas les cris.
Mais les petits signes. Les douceurs imprévues. Les cadeaux discrets.

Vous savez, ces choses qu’on remarque après coup.
Comme une phrase entendue au bon moment. Un rêve étrange. Un geste tendre.

Le miel, c’est ça.
Ce qui ne s’impose pas, mais qui reste longtemps.

Mais alors… le miel est-il toujours positif ?

Pas forcément.

Parce que dans la tradition juive, rien n’est 100% univoque.

Certains textes préviennent :

« Trop de miel rend malade. »

Et oui.
Même la douceur peut devenir piège si elle est excessive.

On retrouve cette idée dans les Proverbes :
Le miel peut adoucir la parole… mais aussi la rendre manipulatrice.

Donc attention aux discours trop sucrés.
Ceux qui flattent sans vérité. Qui séduisent sans engagement.

En gros : la douceur doit venir avec sincérité.
Sinon ? Ça écœure.

Une trace de miel sur les offrandes ?

Tiens, parlons un peu de ça. Des offrandes dans le Temple.

Saviez-vous qu’il était interdit d’ajouter du miel dans les sacrifices ?

C’est étrange, non ?

Mais ce choix a du sens.

Le feu de l’autel ne doit pas être distrait par un parfum trop sucré.
Il faut rester dans l’essentiel. Le dépouillé. Le vrai.

En hébreu, le mot "miel" – dvash – évoque une douceur terrestre, dense, presque charnelle.
Or dans les offrandes, on veut quelque chose de plus aérien, plus brut, plus direct.

Donc oui… le miel est précieux, mais il ne va pas partout.
C’est une douceur qu’on garde pour les vivants, pas pour les rituels de feu.

Et dans le quotidien des fêtes ?

On retrouve le miel aussi pendant Soukkot.
On mange souvent des plats sucrés, des gâteaux au miel,
et parfois même du pain trempé dans le miel.

Et là encore, on célèbre la nature. Les récoltes. Les fruits.
On dit merci. On savoure. On s’ancre.

C’est sensoriel, concret. Ça croustille, ça fond, ça chauffe dans la bouche.

Une fête connectée au sol, aux saisons, à ce qui nourrit vraiment.

Le miel dans les chants et les prières

Dernier point, mais pas des moindres.
Le miel traverse aussi les chants liturgiques.

Certains poèmes médiévaux chantent la Torah comme une "source de miel".
Des mots envoûtants. Des métaphores sucrées. Des rythmes qui dansent.

Et quand on chante, parfois,
on sent la douceur monter dans la gorge.
Pas à cause du miel physique.
Mais à cause de ce que ces mots réveillent.

Des souvenirs ? Des émotions ? Des promesses anciennes ?

Allez savoir.
Mais ça laisse une trace.

Alors… que symbolise le miel dans la religion juive ?

Pas une seule chose.

Mais un millefeuille de sens :

  • une douceur espéréeRosh Hashanah),
  • une promesse divine (la Terre promise),
  • une nourriture de l’esprit (la Torah),
  • une parole juste (pas trop, pas trop peu),
  • un plaisir incarné, concret, sensoriel,
  • mais aussi un rappel que même le sucré peut déraper…

Bref, le miel dans le judaïsme, c’est comme un murmure qui colle aux doigts :
il faut le respecter, le goûter avec soin, et parfois…
le laisser reposer sur la langue,
juste pour voir ce qu’il réveille en nous

À propos de Salima Bachar

Salima Bachar est autrice pour La Maison des Sultans. Elle écrit avec la mémoire du sable, la douceur des rituels anciens et la richesse des secrets glissés entre les fêtes lumineuses et les rêves qui veillent. Beauté, bien-être, maison, voyages… Ses textes célèbrent les gestes discrets, les traditions vivantes et les symboles qui traversent le temps. Entre matières naturelles et récits sensibles, sa plume relie l’intime à l’universel, avec une voix sensorielle et profonde.

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Salima répond toujours : contact@lamaisondessultans.com

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