
Pourquoi jeûne-t-on le 5 juin 2025 à Arafat ?
par Salima Bachar
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Il y a des dates comme ça, gravées dans l’âme. Des jours où le temps semble s’arrêter, où les gestes prennent un poids sacré. Le 5 juin 2025, pour des millions de musulmans à travers le monde, ce n’est pas un jeudi comme les autres. C’est le jour d’Arafat. Et ce jour-là, on jeûne. Pas par habitude. Pas par folklore. On jeûne avec le cœur. Avec le ventre qui parle à l’invisible.
Mais pourquoi ce jour précis ? Pourquoi cette date en particulier ?
Un rendez-vous annuel avec l'infini
Chaque année, le 9 du mois de Dhul-Hijja, le dernier mois du calendrier islamique, coïncide avec un moment d’une intensité rare : la station à Arafat. Ce jour-là, des pèlerins venus du monde entier se rassemblent dans une vallée désertique à quelques kilomètres de La Mecque. Ils sont là, debout, ou assis, parfois en larmes. Ils prient, ils demandent, ils espèrent.
Et pendant qu’eux sont physiquement là-bas, enveloppés de poussière et de prières, les autres — ceux qui n’ont pas pu faire le voyage — jeûnent. Pas par compensation. Mais comme une sorte de communion à distance. Un lien invisible, mais puissant. Comme si chaque gorgée d’eau retenue, chaque gargouillis d’estomac devenait une offrande intime.
Une date, un souffle, une grâce
Alors oui, le 5 juin 2025, c’est ce jour-là. Ce moment suspendu. Ce 9 Dhul-Hijja. Et jeûner ce jour, c’est beaucoup plus qu’une simple privation. C’est une manière de nettoyer l’intérieur. De faire place nette. De demander pardon pour les bêtises, les écarts, les oublis. Et même les silences trop longs.
Selon un hadith rapporté par Abou Qatada, le Prophète — paix sur lui — a dit que jeûner le jour d’Arafat expie les péchés de l’année précédente et de l’année suivante. Vous imaginez ? Une simple journée. Un effort discret. Et deux années de vie spirituelle allégées. C’est un peu comme si on effaçait la poussière d’un miroir pour mieux se voir en face.
Une pratique pour les âmes présentes... mais à distance
Petite précision essentielle : ce jeûne ne concerne pas ceux qui sont en train de faire le Hajj. Ceux-là vivent autre chose. Une sorte d’expérience hors du corps, hors du monde. Ils doivent garder leurs forces. Leur mission, ce jour-là, c’est de tenir, de prier, de vivre pleinement la station à Arafat.
Mais pour tous les autres ? Ce jeûne, c’est un cadeau. Un raccourci spirituel. Un escalier sans marches. Une journée pour s’élever, même sans billet d’avion pour l’Arabie Saoudite.
Arafat : la plaine du cœur nu
Ceux qui ont déjà mis un pied à Arafat en parlent souvent comme d’un vertige. Le sol est sec, la chaleur peut assommer, mais les cœurs sont en fusion. C’est là, précisément là, que les pèlerins se tiennent. Pas de toit. Pas de luxe. Juste le ciel au-dessus et cette sensation immense de n’être qu’un simple souffle dans l’univers.
On y voit des gens qu’on ne connaît pas, mais dont les larmes ressemblent aux nôtres. On y entend des invocations murmurées, hurlées, répétées. C’est un écho collectif. Un cri silencieux. Une supplication cosmique.
Et pendant que cela se vit là-bas, ici, ailleurs dans le monde, des millions de personnes jeûnent, comme une réponse. Comme un écho.
Ce que ce jeûne change, vraiment
On pourrait croire que c’est juste une journée sans manger. Mais c’est autre chose. Ceux qui jeûnent le jour d’Arafat parlent souvent d’une clarté nouvelle. D’un calme qui s’installe. D’un cœur qui, bizarrement, bat plus doucement. Moins de bruit dans la tête. Plus de place pour l’essentiel.
Ce n’est pas une obligation religieuse, mais un acte recommandé, une sunna. Et pourtant, il suffit de voir combien le monde musulman y répond, chaque année, pour comprendre que ce jeûne est vécu comme une invitation intime. Une chance de redémarrer. De se rapprocher. De demander… et peut-être, qui sait, de recevoir.
Un moment pour faire le point
Dans nos vies pressées, on a rarement l’occasion de se poser la question : “Qu’est-ce que j’espère encore ?” Le jour d’Arafat, cette question revient souvent. Parce que ce jeûne, il bouscule un peu. Il nous fait nous asseoir avec nous-mêmes. Sans distraction. Sans faux-semblants.
Certains écrivent des vœux. D’autres récitent des noms divins. D’autres encore restent simplement là, dans un silence habité. Et parfois, on ne demande même pas grand-chose. On dit juste merci. Pour ce qu’on a. Pour ce qu’on a perdu aussi, parfois. Parce que ce qui a disparu a souvent laissé un espace où quelque chose d’autre peut naître.
Ce qu’on retient, longtemps après
Quand la journée s’achève, quand le soleil décline et que l’heure de rompre le jeûne arrive, il y a un moment. Un instant suspendu. Une goutte d’eau dans la bouche, un fruit frais sur la langue… et ce petit frisson. Ce truc qui dit : “Je ne suis peut-être pas parfait, mais aujourd’hui j’ai essayé.”
Et ce sentiment-là, on s’en souvient. Même des semaines plus tard. Même des années après.
Le 5 juin 2025, on ne jeûne pas pour cocher une case. On jeûne pour se relier. Pour être là, même de loin. Pour tendre l’oreille à ce qui chuchote à l’intérieur. Parce que dans ce monde bruyant, il y a des jours où le silence d’un estomac vide fait bien plus de bruit qu’un discours.
Et ce jour-là, croyez-le ou pas, c’est tout l’univers qui écoute.
FAQ sur le jour d’Arafat (5 juin 2025)
C’est quoi exactement le jour d’Arafat ?
C’est le 9e jour du mois de Dhul-Hijja, le dernier mois du calendrier musulman. En 2025, il tombe le jeudi 5 juin. Ce jour-là, pendant le Hajj, des millions de pèlerins se rassemblent dans la plaine d’Arafat, à une vingtaine de kilomètres de La Mecque. Ce moment est le sommet du pèlerinage. Sans Arafat, pas de Hajj. Point final.
Mais même sans être pèlerin, ce jour-là reste immense. Parce qu’il ouvre une brèche céleste. Parce qu’il fait vibrer l’âme.
Que fait-on le jour d’Arafat quand on n’est pas au Hajj ?
Pas besoin d’être dans la plaine pour vivre la profondeur du moment.
Voici ce que l’on peut faire depuis chez soi :
-
Jeûner, du lever au coucher du soleil (si on peut).
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Multiplier les invocations (douas).
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Lire le Coran, même une petite sourate.
-
Demander pardon, en boucle ou en silence.
-
Répéter le dhikr (rappels) :
“SubhanAllah”, “Alhamdulillah”, “Allahu Akbar”, “La ilaha illa Allah”.
C’est un jour où chaque mot monte plus vite, chaque larme compte double, chaque silence devient prière.
Quelle doua réciter en priorité ce jour-là ?
La meilleure invocation ? Le Prophète l’a partagée lui-même :
« La meilleure invocation est celle du jour d’Arafat, et la meilleure parole que j’ai dite, moi et les prophètes avant moi est :
La ilaha illa Allah, wahdahu la sharika lah, lahul mulk wa lahul hamd wa huwa 'ala kulli shay’in qadir. »
(Hadith rapporté par Tirmidhi)
Traduction :
Il n’y a de divinité qu’Allah, Seul, sans associé. À Lui la royauté, à Lui la louange, et Il est capable de toute chose.
Cette phrase ? C’est une clé. Une lumière. Une boussole.
Quel est le lien avec le Hajj ?
Le jour d’Arafat, c’est le cœur battant du Hajj. Littéralement.
Sans la station à Arafat, le pèlerinage est incomplet, voire invalide.
« Le Hajj, c’est Arafat. »
(Hadith authentique rapporté par At-Tirmidhi)
Les pèlerins y passent des heures, à l’air libre, à invoquer, à prier, à pleurer parfois. C’est un face-à-face brut avec Dieu. Un moment qu’on ne vit qu’une fois dans sa vie, souvent. Et qui laisse une trace, à vie.
Et le lien avec l’Aïd el-Kébir ?
Très direct.
Le jour qui suit Arafat, c’est le 10 Dhul-Hijja :
→ le jour de l’Aïd al-Adha, ou Aïd el-Kébir, la grande fête du sacrifice.
On célèbre ce que fit le prophète Ibrahim (Abraham), prêt à sacrifier son fils par obéissance. Mais Dieu lui a offert un bélier à la place.
On sacrifie donc un animal ce jour-là. Mais pas pour le sang. Pour l’intention. Pour le geste. Pour le partage.
Sans le jour d’Arafat, il n’y aurait pas d’Aïd. L’un prépare l’autre. Spirituellement, émotionnellement, symboliquement.
Faut-il dire quelque chose de spécial ce jour-là ?
Oui, on peut répéter très souvent le Takbir :
Allahu Akbar, Allahu Akbar, La ilaha illa Allah, Allahu Akbar, Allahu Akbar wa lillahi-l-hamd.
Et dans le secret de son cœur, on peut aussi chuchoter :
-
“Ya Allah, guide-moi.”
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“Pardonne mes manques.”
-
“Donne-moi la force d’aimer mieux.”
Même les mots simples comptent. Même les silences bien posés.
Alors oui, on peut envoyer un message… mais quel genre ?
💌 Un petit texto simple, du cœur.
💭 Pas de chichi, pas de chaînes WhatsApp en copier-coller.
Quelques idées naturelles, authentiques :
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“En ce jour d’Arafat, que tes prières soient entendues.”
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“Je t’envoie mes douas pour toi aujourd’hui. Qu’Allah te comble de paix.”
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“Je pense à toi en ce jour sacré. Que la miséricorde te touche.”
-
“Que ce jour d’Arafat soit doux pour ton cœur et fort pour ton âme.”
Et parfois, juste un “je suis là si tu as besoin” vaut plus qu’une formule.
Ce jour-là... est-il plus écouté que les autres ?
D’après plusieurs sources, oui.
Le Prophète a dit :
« Il n’est pas de jour où Allah affranchit plus d’esclaves du Feu que le jour d’Arafat. »
(Rapporté par Muslim)
Ce jour, les cieux s’ouvrent. Les anges écoutent. Le pardon descend comme une pluie fine sur ceux qui tendent les mains. C’est un rendez-vous divin, qu’on honore comme on peut, là où on est.
À propos de Salima Bachar
Salima Bachar est autrice pour La Maison des Sultans. Elle écrit avec la mémoire du sable, la douceur des rituels anciens et la richesse des secrets glissés entre les fêtes lumineuses et les rêves qui veillent. Beauté, bien-être, maison, voyages… Ses textes célèbrent les gestes discrets, les traditions vivantes et les symboles qui traversent le temps. Entre matières naturelles et récits sensibles, sa plume relie l’intime à l’universel, avec une voix sensorielle et profonde.
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Salima répond toujours : contact@lamaisondessultans.com
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Merci pour sais explications