
Diable islam: Iblis, son trône, ses armes
par Salima Bachar
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Le diable en islam : entre ombres, murmures et vérités oubliées
On croit tout savoir. Que le diable, c’est ce truc rouge, cornu, un peu grotesque, version bande dessinée. Et pourtant, dans l’islam, rien de tout ça. Pas de fourche. Pas de cape. Seulement un souffle invisible, un chuchotement dans le cœur, un frisson à peine perceptible dans l’âme. Et c’est souvent là, que tout commence.
Parce que le diable, en islam, ne se montre pas. Il insinue. Il insuffle. Il égare sans fracas. Un vrai voleur de paix. Et il ne prend jamais la porte d’entrée. Il s’infiltre, comme le vent dans une tente mal fermée.
Iblis : ce nom qui claque comme un avertissement
Le diable, dans le Coran, porte un nom bien précis : Iblis. Et attention, ce n’est pas n’importe qui. Ce n’est pas un ange déchu, comme on le croit parfois par erreur. Non. Iblis est un djinn. Créé non pas de lumière comme les anges, mais de feu sans fumée. Un feu subtil. Un feu glissant. Presque élégant.
Et pourtant, c’est lui qui refuse de se prosterner devant Adam. Il le regarde, et au lieu de reconnaître en lui la création divine, il ne voit qu’un tas de terre. « Tu m’as créé de feu, lui, tu l’as créé d’argile » dit-il. L’orgueil. Voilà ce qui le perd. Un seul mot de travers, une seule pensée de trop, et Iblis devient le maudit. Le repoussé. Le rajîm.
Mais vous savez ce qui glace le sang ? C’est qu’il demande un délai. Un sursis. Et Dieu le lui accorde.
« Accorde-moi un temps jusqu’au jour de la résurrection »
C’est là que ça devient vertigineux. Parce que le diable n’a pas été détruit. Il a été laissé libre, jusqu’au jour du Jugement. En clair : il rôde. Il vit. Il agit. Et ce n’est pas dans les coins sombres ou les cimetières qu’il est le plus actif. C’est dans les cœurs. Dans les pensées. Dans les doutes.
Il ne pousse pas. Il suggère.
Et combien de fois par jour, sans même s’en rendre compte, on lui ouvre la porte ?
Une envie de médire. Une colère soudaine. Une pensée de jalousie. Une paresse soudaine au moment de prier. Il est là. Il n’oblige jamais. Il ne frappe pas. Il propose. Et on choisit. C’est ça, le deal.
Shaytân : un nom, des légions
En fait, le mot shaytân est plus large. Il désigne n’importe quel démon. Iblis n’est que leur chef. Mais chaque être humain, selon certains hadiths, aurait son propre shaytân, collé à lui comme une ombre. Il connaît nos failles. Nos rythmes. Nos fatigues.
Certains le ressentent. Comme une petite voix qui pousse à la négligence. D’autres ne veulent pas y croire. Pourtant, dans les textes anciens, les sages parlent de cette présence comme d’un compagnon silencieux qu’on doit toujours surveiller du coin de l’œil.
Et pour le combattre ? Ce n’est pas avec de l’eau bénite. C’est avec le dhikr, les invocations, les ablutions, la prière à l’heure. C’est avec un cœur éveillé.
Le rôle du diable : punition ou test ?
C’est là que la pensée islamique est fine. Parce que le diable n’a pas le pouvoir de forcer. Jamais. Il est un test vivant. Un miroir de nos faiblesses. En réalité, il n’existe que parce qu’on l’écoute.
Et ça, c’est vertigineux. Parce que ce qu’il dit… on l’a déjà pensé. Il ne fait qu’allumer l’étincelle. À nous de voir si on y met de l’essence.
Il y a un mot qui revient souvent dans les textes : waswassa. Le murmure. C’est sa spécialité. Et ce mot, on le retrouve dans la sourate An-Nâs, cette petite prière qu’on récite souvent sans trop y penser.
Mais cette sourate, c’est un bouclier. Contre quoi ? Contre celui « qui souffle le mal dans les poitrines des hommes ». Voilà. C’est dit. Il ne hurle pas. Il souffle. Tout est dans la discrétion.
Rituels, traditions, et protections : le Maghreb et ses secrets
Dans les villages du Maroc, d’Algérie ou de Tunisie, il y a toujours eu cette vigilance presque instinctive. On ne laisse pas traîner de l’eau sale n’importe où. On dit "bismillah" en entrant chez soi. On ferme bien la bouche des casseroles. Pourquoi ? Parce que les djinns, dont fait partie Iblis, aiment les endroits sombres, les lieux impurs, les coins oubliés.
Des mères racontaient encore récemment à leurs enfants de ne jamais uriner dans les endroits déserts sans prononcer une prière. Pas par superstition. Mais par sagesse transmise. Des gestes simples, mais chargés de sens.
Et puis il y a les versets protecteurs, récités chaque soir. Des formules connues par cœur, souvent chuchotées comme un mot d’amour avant de dormir.
Le Coran, dans cette culture, n’est pas décoratif. Il est armure.
L'impact sur le quotidien : de la tentation à l’oubli
Le diable ne fait pas que pousser à commettre des péchés évidents. Ce serait trop facile. Non. Il pousse à l’oubli. Oublier Dieu. Oublier de remercier. Oublier de prier. Oublier de se remettre en question. Oublier de demander pardon.
Et c’est souvent là qu’il gagne. Pas dans le crime, mais dans l’indifférence. Dans la banalisation. Dans l’idée que « ce n’est pas si grave ».
Vous avez déjà remarqué ? Juste avant une bonne action, il y a souvent une fatigue soudaine. Ou une distraction. Ou une autre envie plus forte. C’est pas une coïncidence.
Et les rêves ? Ces terrains fragiles
Dans certaines traditions soufies, on raconte que le diable tente aussi par les rêves. Il peut apparaître sous des formes trompeuses. Faire croire à une vérité. Semer le doute. Pousser à suivre un chemin erroné.
C’est pour cela que les anciens disaient : tous les rêves ne viennent pas du ciel. Certains viennent de l’âme. D’autres… de plus bas encore. D’où l’importance de ne pas courir raconter n’importe quel rêve à n’importe qui. Certains rêves doivent être tus. D’autres interprétés avec lumière et science.
La plus grande ruse du diable ?
C’est peut-être de nous faire croire qu’il n’existe pas. Ou pire encore : de nous faire croire qu’on est trop fort pour lui.
Alors qu’en vérité, le combat se joue chaque jour. Discrètement. Dans un regard. Dans une pensée. Dans un choix silencieux.
Et ce combat, on ne le gagne pas avec des muscles ou des mots. On le gagne avec la sincérité. Le retour. Le souvenir.
Parce qu’à la fin, c’est la lumière intérieure qui repousse les ténèbres. Pas les cris.
FAQ
Comment s'appelle le diable dans l'islam ?
Dans la tradition islamique, le diable porte un nom bien connu : Iblis. C’est celui qui a refusé de se prosterner devant Adam. Son nom est cité dans plusieurs versets du Coran. Il incarne la rébellion, l’orgueil, le refus d’obéir à Dieu.
Mais il est aussi souvent désigné par un autre mot : "Shaytan" (ou Sheitan). Là, ce n’est plus juste un nom propre, c’est un concept plus large, une force, une énergie néfaste, un égarant. Un être sournois, présent, qui murmure à l’oreille et pousse au mal.
Iblis est un Shaytan, mais tous les Shayatin (pluriel de Shaytan) ne sont pas Iblis.
Que dit l’islam à propos du diable ?
L’islam voit le diable non pas comme un être doté de pouvoir absolu, mais comme un ennemi rusé. Il tente, insinue, doute, mais il ne peut jamais forcer. Il glisse des idées dans le cœur, mais ne peut y planter de clous sans le consentement de celui qui l’écoute.
Le Coran l’appelle "l’ennemi déclaré de l’homme". Il cherche à détourner du souvenir de Dieu, à nourrir l’orgueil, la colère, la rancune.
Mais le croyant n’est jamais sans arme. Il peut dire "A‘ûdhu billâhi mina sh-shaytân ir-rajîm" ("Je cherche protection auprès de Dieu contre le diable banni") pour se protéger. Le Coran, la prière, les invocations… sont des boucliers invisibles mais puissants.
Ce n’est donc pas un film d’horreur. C’est plus subtil, plus psychologique. Le diable agit dans l’ombre des pensées.
Quels sont les noms du diable dans l'islam ?
Plusieurs noms, plusieurs facettes. Iblis, c’est l’être désigné dans le Coran. Il a refusé de se soumettre. Il a dit à Dieu : "Je suis meilleur que lui. Tu m’as créé de feu et lui d’argile." (Sourate 7, verset 12). Cette phrase est devenue le symbole de l’orgueil mal placé.
Ensuite, il y a Shaytan, mot plus générique, qui désigne tout esprit malin, toute entité qui pousse à la désobéissance, que ce soit un être invisible ou même… un humain. Oui, un homme peut être qualifié de "shaytan" s’il répand le mal.
Certains récits et traditions évoquent aussi d'autres noms comme :
– Waswas, celui qui insinue.
– Khannas, celui qui se cache, qui revient en boucle.
Mais ce sont davantage des descriptions de rôles que des noms propres.
Que veut dire sheitan ?
Sheitan, c’est la transcription phonétique de Shaytan. Le mot vient de la racine arabe "shatana", qui signifie "s’éloigner" – en l’occurrence, s’éloigner de la miséricorde divine.
Le sheitan, dans la culture populaire, c’est le tentateur, le semeur de trouble, celui qui veut briser les cœurs et les liens sacrés. On le représente rarement avec des cornes et une queue de démon rouge. C’est plutôt une présence rusée, silencieuse, qui se faufile dans les pensées, les envies, les colères.
Dans le Coran, on retrouve aussi l’idée que le sheitan promet, séduit, mais ne tient jamais parole. Il flatte, mais il abandonne. Il exagère les plaisirs pour mieux éteindre les âmes.
Qui est Iblis en islam ?
Iblis n’est pas un ange, contrairement à ce que certains pourraient penser. Le Coran précise qu’il fait partie des djinns (Sourate 18, verset 50). Il a été créé de feu, là où les anges sont faits de lumière, et les humains d’argile.
Ce qui est marquant, c’est qu’Iblis avait une position élevée, au point d’être parmi les anges. Mais un jour, tout bascule. Dieu ordonne aux anges de se prosterner devant Adam. Tous obéissent… sauf lui. Il refuse. Il se lève contre ce qu’il juge injuste. Il considère l’humain comme inférieur. Et c’est cette désobéissance – non pas de faiblesse, mais d’orgueil – qui l’a fait tomber.
Depuis, Iblis a demandé à Dieu un délai. Il veut égarer les humains jusqu’au Jour du Jugement. Il a été exaucé. Il agit depuis les coulisses de la conscience, cherchant à rendre les cœurs lourds, à faire oublier la lumière.
Mais attention : il n’est pas tout-puissant. Il propose. L’humain dispose.
Où se trouve le trône d'Iblis selon l'islam ?
Les sources ne sont pas unanimes, mais plusieurs hadiths rapportent que le trône d’Iblis se trouverait sur l’eau, plus précisément sur la mer. Une image forte. Le trône, dans l’imaginaire, c’est le lieu du pouvoir. Et l’eau ? Un élément instable, mouvant. Cela en dit long.
Certains textes disent qu’Iblis envoie ses lieutenants à travers le monde depuis ce trône pour semer la discorde, briser les couples, encourager les injustices. Et celui qui réussit à créer un divorce entre deux personnes serait le plus valorisé par Iblis lui-même. Le mal, selon cette vision, commence souvent dans l’intime, dans les liens qu’on brise.
Mais encore une fois, tout cela ne doit pas nourrir la peur, mais plutôt l’éveil. Car dans l’islam, le croyant est toujours capable de résister, de se relever, de chasser les ténèbres. Ce n’est pas une bataille hollywoodienne entre le bien et le mal. C’est une lutte intérieure, invisible mais bien réelle.
Que veut dire « Audhubillah min al shaytan al rajeem » ?
C’est une phrase-refuge, un réflexe sacré. Les musulmans la prononcent souvent avant de lire le Coran, mais aussi dans les moments de trouble, de doute ou de colère. Elle signifie littéralement : « Je cherche protection auprès d’Allah contre le diable le maudit. »
Mais c’est plus qu’une formule. C’est un acte spirituel, une mise à distance de l’ombre. En récitant cette invocation, on place une barrière invisible entre soi et les murmures du shaytan. C’est un bouclier. Une manière de se recentrer.
Dans l’islam, la protection passe d’abord par la parole. Et cette parole-là… c’est comme une lumière allumée dans une pièce obscure.
👉 Pour aller plus loin, découvrez ce que signifie vraiment "Audhubillah min al shaytan al rajeem" dans le détail.
Waswas : comment l’islam décrit ces pensées qui tournent en boucle ?
On les connaît tous, ces idées qui s’infiltrent et qu’on n’a pas invitées. Ces pensées parasites, ces doutes insistants, ces petites voix qui répètent : "Tu as mal fait", "Et si ce n’était pas valide ?", "Et si tu avais oublié ?"... Dans l’islam, ce phénomène porte un nom précis : waswas.
Le waswas, ce n’est pas une faute. C’est une ruse du diable. Une manière d’épuiser, de détourner, de troubler la paix intérieure. Cela touche souvent les personnes les plus sincères dans leur foi, celles qui veulent bien faire.
Heureusement, l’islam en parle clairement. Et surtout, il donne des outils pour ne pas s’y perdre.
👉 Un doute persistant ? Découvrez notre article complet sur le waswas en islam , ses formes et ses remèdes.
Rêver de combattre un démon en islam : un signe spirituel fort ?
Les rêves ont une place particulière dans l’islam. Parfois, ils sont comme des miroirs de l’âme. D’autres fois, ils sont des messages, des tests… ou des délivrances.
Rêver qu’on combat un démon ? C’est tout sauf anodin. Ce type de rêve peut être le reflet d’un combat intérieur, d’une résistance à la tentation ou d’une épreuve spirituelle. Dans certaines traditions, on considère qu’un tel rêve montre la volonté du cœur de rester du bon côté, malgré les embûches.
Mais attention, chaque rêve a ses nuances. Le contexte, les émotions ressenties, le résultat du combat… tout compte.
👉 Pour explorer en profondeur ce type de rêve et sa symbolique, lisez notre analyse du rêve de combattre un démon selon l’islam .
Nhar Sheitan : quelle signification et définition ?
"Nhar Sheitan" est une expression dialectale issue du maghrébin, souvent entendue dans les conversations populaires. Littéralement, cela veut dire "le jour du diable".
Elle est utilisée pour décrire une journée maudite, pleine d'obstacles, de tensions ou d’événements négatifs. Un peu comme dire : "Aujourd'hui, tout va de travers !" — sauf que là, on personnifie le chaos… en le mettant sur le dos du sheitan.
C’est une expression colorée, imagée, ancrée dans la culture orale. On y sent la croyance que certaines journées sont influencées par des énergies sombres ou des présences indésirables. Un mélange de superstition, de tradition… et de vécu collectif.
Iblis est-il mentionné dans le Coran ?
Oui, Iblis est bel et bien mentionné dans le Coran. Et pas qu'une fois ! On le retrouve dans plusieurs sourates, sous son nom propre.
Iblis est présenté comme le djinn qui a refusé de se prosterner devant Adam lorsque Dieu l’a ordonné aux anges. Son refus, basé sur l’orgueil ("Je suis meilleur que lui, Tu m’as créé de feu et lui d’argile" – Sourate 7, verset 12), a marqué sa chute. C’est à partir de là qu’il devient maudit, banni, et qu’il promet d’égarer les humains jusqu’au Jour du Jugement.
Il est distinct des anges, car Iblis était un djinn. Mais c’est lui qui, dans le récit coranique, devient le prototype de la désobéissance par arrogance.
Comment dit-on "diable" en arabe ?
En arabe, le mot le plus courant pour dire "diable", c’est "Shaytan" (شيطان). Le pluriel est "shayatin" (شياطين), pour désigner les démons au sens large.
Le mot "Iblis" (إبليس) est également utilisé, mais il fait référence à un individu en particulier, le chef des shayatins. Shaytan est plus générique et peut désigner n'importe quel esprit malveillant, tandis qu'Iblis est la figure centrale, l'équivalent du Satan biblique.
Dans la langue courante, "shaytan" est parfois aussi utilisé pour parler de quelqu’un de malin, rusé, ou perturbateur – souvent à la rigolade pour les enfants un peu trop malicieux !
Djinns et Shaytan: quels liens?
Tous les shaytans sont des djinns, mais tous les djinns ne sont pas des shaytans. Voilà, la nuance est là.
Le djinn, dans la tradition islamique, est une créature invisible créée à partir d’un feu sans fumée (Sourate 55, verset 15). Il peut être bon, neutre ou mauvais. Certains djinns sont croyants, d’autres rebelles, d’autres encore vivent leur vie sans se mêler des humains.
En revanche, le shaytan désigne un djinn égaré, rebelle, dont le but est de détourner l’humain du droit chemin. Il agit dans l’ombre, par ruse et par tentation. C’est une fonction, plus qu’une espèce.
Un peu comme dire : tous les voleurs sont des humains, mais tous les humains ne sont pas des voleurs.
Le plus célèbre des shaytans ? Iblis, évidemment. Mais il n’est pas seul. Il existe toute une armée de shayatins à son service.
À propos de Salima Bachar
Salima Bachar est autrice pour La Maison des Sultans. Elle écrit avec la mémoire du sable, la douceur des rituels anciens et la richesse des secrets glissés entre les fêtes lumineuses et les rêves qui veillent. Beauté, bien-être, maison, voyages… Ses textes célèbrent les gestes discrets, les traditions vivantes et les symboles qui traversent le temps. Entre matières naturelles et récits sensibles, sa plume relie l’intime à l’universel, avec une voix sensorielle et profonde.
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